ExI^ris
PROFESSOR T.S.WILL
Cfic3
Library
of the
University of Toronto
LE - f
TRIOMPHE
L'ÉVANGiLE
ov
SERMON
VR LA DEVXIEME EPISTRE
.^ savrtct PAVLavx GoriixlWs
• vnorul au ^y^ocU affanMU .i Gctiavc
civ m.Mh d'octobre: iCfZ ^ ^ '
l^ar RAYMOND GACHES , P^sUur crt
seconda eoLùLvcrt reveve ci ccrnoet
^^ ^
A CASTREE, ^
[oar L0VY6 VeNDOSMK.tui 5acriîue
A MONSIEVR
MO N s I E V R
LE MARQVIS
D E
M AL A V S E-
ONSJEFR»
■- ^ien qu'après les grandes obli-
*lttions que te ^ous ayi& après l'àt'
iaehementpartimlierqm nous ^a^Si
toufiours eu moy fV '^ ^fiiens pour,
--'loftre illt4(îre Maifony it ne puijj'e
\ny rien faire ny rienjuuoir qui ne
\ (dit ahfolumeUt à vom^L' Sermon
jaueie vous frefente, voHsVp^artyep
E p I s T R é;
far ^n dmÛ particulier : Car cefi i)
dans 'VOS belles folitudes de la Café ^
que ie le meditaj^ il y a tantojl deux
ans y auant Ojue de le prononcer a la
face du Synode. Cefi la que défen-
dant de ce haut degré de grandeur
Ou wflre naijjance ^ous a ejleue\ê \
njous rn aueTJouuent fait ^afer das i
l'honneur de ^ojire conuerfatton les^
plus doux moments de ma me. Il |
mefemble,MONSIEFR,qut M
tairnapoint ailleurs tant de pure-^.
té, que les prairies not point ailleurs
lot me fme <vèrdure^& qu ailleurs les^
fontaines n ont point de fi belles eaus
& neformetpasde canausjî agréa-,
blés. Adais quels ornemens vofi^i
pre/ènce najoude-elle pas a toutei
ces diprenpi.. haute\l^Auec quel%
h magnificence & auec quelle bonté}[\\
tout enfemblejreceuel^r^ous lesnJ^
Cites de toutes fortes de PerfbnnesV
"--r Ile douceur,}^ auecauel
E P I s T R E.
le tranquilltté y faites-n;ous ^iure
ceux qm habitent dans la grande
ejtenàué de "vos terres. En ^erite\
MO N S I EVR, quoj que le
JSlomde Bot4rbon que vous ^orteT^
foit le vlus illu/îre nom de la terre p
foje dire que "vous enfou^eneT^ di-
gnement la gloire , & que le Sang
de ces grads Monarques, dont "vous
aueTJ;^ honneur de tirer vo/îre origi-^
ne^éclatte Avne façon augufie Jur
vo/lre vifagey comme leurmagnani-^
v^itédanstoutes'VQS aidions. Aiais,
Mo NSIEFRyje mets infini-
ment au dejfus de tout le reÇe^ cette
confiance inébranlable en la profefi
fion de la Write, que /vous aueXj.efii
moignée en des occafios^on njne ame
moins ferme qoie la ^vofire eufifan^
àofAîefuccombé. En ce teçs corrtmj
f H dans des efpreuues dangereufes,
fay veu vofire %de, je lay admiré.
Et comme ^ous m'auejjfait ïhon-
E P I s T R E. A
neur de me defcouurirfouuetlefond
de vo/lre ame , je n'y ay jamais re- \
marqué aucune de cesfotblejfes^ mi i
font tomber les hommes dans lespie^
gès que le mode nous dreffevour nous '
perdre. Dieu qui ^ous a foujienu ^i
jufques a cette heure y & qut'vous a |
fait fouuent efprouuer fa protection \
particulière y vu'éille "vous faire/en-^ ]
tir de plus en plus la lumière & U
ruertu de/on Efprity & 'vousaccom^
pagner de toutes fes bene dirions ^&
de celles qui regardent cette me , ^
Ae celles qui regardet la "vie à venin
ïe luy demande aufsi de tout mon
^œur^ quil mefafe rencontrer les oc-^
^afions de ijous tefmoignerauecquel
rejfentiment , auec quel refpeU &
quelle ardeur je fuis,
HêNSIEVR,
\ Voftre tres-humble, trcs-obeïflan't
) & tres-obligé fcruitcur, 1
R. GACHES.
SERMON
SVR CES PAROLES DE
la II. Epiftredc Saind Paul aux
Corinthiens ch. x. verf. 14.
Or grâces à Dieu qui nous fait toufiours triom^
fher en Chrijl ; ér qui manifejfe far nous lo-
ueur de fi connotjfance en tous lieux,
MES Frères bien-aymcz en noftrc
Seîgneuricfus-Chrilt.
Ce diuin Sauueur fc prelentc à nous dâs
rEuangilefous deux vifages diffcrens^d'vn
codé (on aneantiffemenc nous eftonne,
nous ne trouuons en luy, ny apparence , ny
beauté;, ny rien qui fafl'e que nous le defi-
rions -, il eft le méprifé des hommes^ vn ho-
me de langueur, & f^achanr que c'eft de
douleur, vn ver & non pas vn hommerMais
quandapres cela nous confiderons linno-
ccnccdefavie, Téclat de Tes vertus J'effica-
ce de Tes difcours ^^ }a gloire de les mira-
cles ; il nous pan>"i V; ' oarfait en beauté
que tous les caf*.hi ûcs hommes , fes joues
2 Le Triomphe
font vn parterre de cho/ès de bonne
odeur, les Icvres font comme Jcs Jis,
elles diftillcnt la mirrhe, & noftre
cœurfepafme de fon amour. Noftre
admiration s'augmente encore lors
que nous penfons à la merucille de
fa Refurreclion d'entre les morts -, au
triomphe de fon Afccnfion au Ciel,
& cnRn à la pompe, à l'cftenduë, &
à ia Majefté de TÈmpirc qu'il y polFc-
de. C*eft Jaque nous voyons éclat-
ter la joye dâs Ces yeux; c'eft la qu]vne
couronne de gloire brille fur fa tcfte j
c'çft:là que Tare en ciel auec fesplus
viues couleurs s'eftend autour de fon
trône : & comme il eft luy mefme
plus lumineux que le Soleil, c'eft là
que fa ptefenceebloiiitles Anges, &
remplit le Ciel de clarté.
Les MinilbesdeTEuangile portée
l'image du maiftre qu'ils ièruent, &
du Rédempteur dont ils difpenfenc
Çqj y^ les fecrcts. D'vn coftc ils font k ha^
'Heure dtt monde ^ é' Ufécletàre de tout :
yilsfont mis enfpeifacle au monde ^ aux
'\ Anges à" àux hommes. Ils marchent
après lefus-Chiift ,0c font piquez de
fes efpincSjils g^/niiTent au pied de fa
Croix , & fouuenc dans ies ora,«?c$
/
DE L* Evangile. j*
dont l'Eglifeed agitée, ou ils font renfer-
mez dans des priions, 6c accablez du poids
de leurs chaifnesj ou ils errent dans les de-
ferts, & cherchent l'obfcuncé des ancres
poursycacher ala violence de ceuxquiles
perfecutent : Mais voyez combien à inefmc
tempsleurcondicionell d'ailleurs biê-heu*
rcufc& digne d enuie. Si les hommes les
outragent. Dieu les protège, s'ils ont à cô-
barre contre le monde, ils font affeurez d'ê
triompher auecChrift, & la mort mefme
leur edfauorable, parce qu'elle leur eft la
porte du Paradis.Ils font les amis de l'Epoux
celefte, & les Miniftres du Dieu viuanc i ils
font le fel de la terre, & la lumière du mon-
de : ils font les Hérauts de juftice, les Am-
bafladeursdeChrift, & les Anges de TE-
glife.
Nousauonsdeffcin de vous repreftnter
aujourd'huy ces précieux aduantages des
Miniftres du Seigneur lefus , fous le boa
plaifirde Dieuauec Taffiftance de fon Ef-
prit i honorez de voftre attention Se de vo^
lire patience. L'ry/;erience vous fait affez
voir leurs affligions, &C':ous voulons que
voftre foy contemple a^^jourd'huy leurgloi-
rc ; Vous eftes rr'i\^oins àc icazs combats,
&nousvous^s.v. ons leurs couronnes
vous f^aucz ce» *i«'V* < : Jurent, & nous
4 LeTriomphf
voljsmonftrerons ce qui les fouftient. Ce
qui les confole , & ce qui les rend heureux.
Ils vous paroiilcnt abbatus, Se nous vous
lesferonsouyrparlans de leursconqueftes,
& de leurs rriomphes • Grâces à Dieu qui
nous fait toujiours triompher en Chriji: cr qt*i
înmifcjleparnous l odeur de fa connoifjance en
tous lieux,
Sainâ Paul partageoic fes foins à vn nom-
bre inHnyd'Eglifes , ou qui! plantoir luy-
nielmCjOU qullarroufoit après que lesau-
tres feruiceurs du Seigneur lefus lesauoient
plantées. Il auoit en particulier prefché
i'Euangile dans Corinthe qui auoit autre-
fois elle la lumière de la Grèce ^ & vue dcs^
plus riches villes du monde j 11 eilvray que
les Romains rauoientdefolée fous la con-
duite de Lucius Mummius pour veger l'ou-
trage que leurs Ambaiïadeurs en auoient
receu: mais Iules Cefar lauoit glorieufc-
mentreleuce de fes ruynes -, & comme elle
cftoitle fejourd'vne infinité de perfoniics^
Pieus*y eftoitreferuc vn grand peuple,ainfi
qu'il le reuela aSainâ: Paul au 18. du Liure
des adles , ou nc>ts apprenons que noftrc
Apoftre fut oblige d'y arrefter pendant dix-
huid mois. Et TApollre ^uoitdefirc d'y re-
tourner encore vne fcik,/,'^;^-; comme il en
parle luy-mefms aulchap^tre precedentj
D I l' E V A N C I L E. '^
tjutls eujfcnt vne faonde g^ace^ que comme
par fa première venue iis auoiencefté con-
licrtis au Seigneur, ils fufTenc par la Seconde
confolez, inftruits & fortifiez en Ja foy ;
Mais laprouidence diuine i'awoic conduit
ailleurs, elle luyauoic ouuerc vne grande
porte dans Troas, elle lauoic après cela
adrefle dans la Macédoine , ou il fai/bic de
nouucllesconqueftes auSeigneurdans les
villes de Philippes, d'Amphipolis, d7\pol-
lonie^deTheilalonique, deBcréc. Ce qui
Tobligeoic maintenant d remercier Dieu
d'vnfi beau fuccez ; Or grâces à Dieu , dit-il, *^
qui nous fait toujours triompher en Chrtfl ^ ^
qui mamfejie far nous l'odeur de fa connoiffanct
en tous lieux.
Vous voyez dans ce Temple , ô Fidelles
plufieurs Miniftrcs delTuangile^qui y fonc
accourus de tous les endroits de cette Pro-
«ince i&: bien qu'ils n'ayent ny l'efciatdes
Séraphins ;, ny la iMajeftédes Koys, nyle
fafte mefme des Cardinaux & des Eucfques
de Rome. Bien que les richcflTes de la terre
ne foient pas tombées en leur partage, &
que dans l'apparence ils n'ayent rien, ny
d'extraordinaire, nj de grand, venez appren-
dre à les cor''d^ .; ^outtaViw, romme ceux
qui triomphent CUi^^ cdt^&'qui rcpandcc
par tout 1 odeur de la côaoï/Tance de Dieuj
B 2
6 LeTriomphe
Et vous, mes trcs-honorcz Frères^ vous cf-
couterez vn Saint Apoflre qui parle magni-
fiquement de l'excellence de vollre charge,
& qui vous aduertit de rappoitera lata-
ueut & a la benedidion de Dieu îk tout le
fruict de voftre Miniftere, & tous les aduan-
tagesdontvous efteshonorez. Et lepeuple
donc & les pafteurs pourront égallemenc
recueillir des levons importantes de ces di-
uines paroles, pourueu que le Seigneur le-
fus, de qui nous implorons rafliftance, nous
donne de vous les expliquer heureufementi
& pourueu qu'à mefure que nous les ferons
retentira vos oreilles, le Saindl Efprit dai-
gne les imprimer dans vos coeurs* Pour
vous en donnervne plus facile intelligence,
nous auons cru qu'il falloit auant toutes
chofes confiderer ce triomphe des Prédica-
teurs de l'Euangile, qui confifte en ce qu'ils
manitedent en tous lieux l^odeur de la con-
noifiance de Dieu, & nous monterons après
cela dans la féconde partie de cette aâion,
iufques à ce grand Dieu à qui nous deuons
rendre grâces de ces beaux fuccez, puis que
c eft luy qui nous fait triompher en Chnft,
Si quelque rayon de joye a iamais flatté
ces Anges Apoftats qui^font defcheus du
b^^n-heur de leur prem,\:érc origine, fi l'en-
liie qu'ils nous portent a iamais eu fujet
D Ç l' E V A N G I L E, 7
d'eftre fatisfaicc , s'ils ont iamais conccu
quelque attente de perdre tout le genre
humain, c'a efté fans doute lors que le Sei-
gneur lefus a efté efleuc fur la Croix , &
qu'ils ont cru que celuy qui nous venoit
fauuer, ne pouuoit pas fe fauuer foy-mefme:
en donnant la mort au Mcflie -, ils penfoient
faire auorter les defïeins qu'il auoit faits
pour noftre falut, &: en luy fermant la bou-
che , il leurfembloit que fes diuins enfei-
gnemens ne conuertiroient plus les hoai-
iTies, & neferoientplus des Croyans.Mais
admirons, ô Fidèles, la fapience de Dieu v
Satan croyoit eftre le vainqueur du Sei-
gneurlefus crucifié, & le Seigneur Icfus
crucifié mena publiquement en montre , les
principautez hc les puiflances des Enfers
triomphant d'elles fur la Croix ; il auoit fer-
mé la bouche au Seigneur lefus ; Et voila
des langues de flamme que le Seigneur le-
fus fait de/cendre du Ciel, pour faire enten-
dre fa voix par toute la terre. Enfin , il
croyoit qu'en infpirant aux luifs qui auoiêt
feuls le priuilegedc connoiftrc Dieu, va
efprit de rébellion, de fureur & d'iniuftice.
il furnionteroiti*F^)jfe, &: renucrferoit par
terre le Temr> d;i Dieu viuant. Et voila
par vn chan^t^r^vAu admirable qu'au lieu
d'vne poignée des luifs, la foule des Gentils
9 LeTrionîphe
enrrc dans l'Eglife, & ce petit filet d'eau de
la grâce quicouloic dans la Paleftine , dé-
nient vn Océan qui inonde toute la terre.
C races à Dieu qui nous fait toufiours triompher
en Chrijl : ^ qui manifejle par nous en tous
lieux l odeur de fa connoiffance.
Soit que vous confideriez les Ap<2>ftres,
fcitque vous jcttiez fur tous les Miniftres
du^Seigneur lefus^ ces paroles feront tou-
jours d'vne éternelle vérité. L'eftabliflemct
de l'Empire de Chrift a efté fans doute le
plus beau deflein qui ait iamais peu tomber
dans l'imagination de Thommc, & le plus
grand & le plus difficille ouuragc, que des
mortels & des pécheurs, ayentofc iamais
entreprendre. Il falloir abolir des couftu-
mes ertablies depuis plufieurs fiecles , brifer
lesimages, démolir les Autels, Screnuerfer
les Temples qu'on auoit confacrez aux Dé-
mons, changer la face de la terre, & planter
la Croix de lefus-Chrift fur les Trofnes des
Monarques. Douze Apoftrcs dont la con-
dition cftoit au deffous de la médiocre , en-
treprennent d'exécuter vn fi mcrueilleux
projet, ils partent du centre de la ludéc , &
nontpasvne moindre efperance que deco-
querir toute la terre à lefus-Chrift '- fans
amis, fans threfors, fans armes, fans pompe,
fans crédit , fans cfdac & fans artifice ils
DE l'EvANGIIB. 9
attaquent les fubtilitez des Philofophcs, la
fureur des penples5& la puiflâcedu monde:
& aiiec le fccours du Cieh la lumière de
1 Euangile & l'efficace du Saint Efprit, à
trauers le tranchant des e/pées, Tardeur des
flammes ;, 6c' la cruauté des maffacres, ils
annoncent la grâce, ils gagnent des coeurs,
ils triomphent en Chrill, 6c dans lerulàleni
& dâs R orne, & parmy les luits &c parmy les
Gentils , & portent le Sceptre de la force
du xMeflîe iufqu'aux dernières extremitez dô
la terre. Aucc le flambeau de la vérité ils
font euanoiiir comme autant de vains fan-
tofmesces fauflfes diuinitcz qui fefaifoient
adorer pendant les ténèbres du Paganifme.
Les liens de la fuperftitionXont rompus,
les charmes du monde font foulez aux pieds
lesperfecutions des tyrans font vaines, les
erreurs des hoaimes font defcouuertes;, &:
la rage des Enfers combat inutillement U
verite^puis que la vérité en demeure viéto-
rieufe.
Qtiand je m'imagine qu*vn Apodre^, c'eft
à dire, vn homme mortel &foible comme
nousj entre fans aucune fuitte dans Athènes
ou dans Rome, & qu'il entreprend d y cho-
quer, non pasfl'^frrArecpage ou leur Sénat,
leurs Confuh^ciu leurs Empereurs, mais
leurs propres Djeux> ceux a qui ce Sénat ,
iO L E T R I 0 M P H 1
cet AreopagCjCes Empereurs &: ces Confuls
rendoient leurs adorations, & penfoict cftrc
obligez de leur grandeur & de leur vie.
Quand ic m'imagine que pour combattre
Ces DicuXj cet Apoftrc n a point de faneurs,
ny de richcfles, ny de force, qu'il defdaigne
mefmc d'employer les attraits de l'éloquen-
ce mondaine, bien qu'il n'ait autres armes
que la parole. Quand ie confiderc auec
quelle ardeur les Démons fe préparent i
luy refifter, & quels defleins de rigueur &
de violenccjils imfpirent à leurs fuppofts,
ie ne puis m'empefcher de dire, que fera
cette brebis au milieu de tant de loups. Ec
quand ie voy que les Philofophes luy op-
pofcnt inutillcment les difcours de leur
raifon^Ies Orateurs les charmes de leur élo-
quence, les fupcrftitieux l'authoritc de leurs
couftumes , les Magiftrats la feuerité de
leurs Edidls, les peuples Thorreur de leurs
feditions, &: Satan les plus violens effets de
fa rage, que malgré ces obftacles il triom-
phe des cœurs endurcis,il fait des fidèles,
il fonde vne Eglife, ie m'efcrie auec admira-
tion. La dextre de l'Eternel ejl haut éleuée ^ U,
Jextre de l* Eternel a fait vertu. Mats toy qui}
âjfadloisles Nations^ Ejloile du matin, commet
tS'tu tombée df§> Ciel, tudtfoupe monter ay par
dejfus la hauteur des nuée s ^ ie Jerày femhlahle ais^
SûHuerain^
Di L* Evangile. H
Soféuerai/fy à" voUi tu es tirée mfquen Enfef
AUX cojicz de la fojje,
Auez VOU6 lainais veu vne étincelle allu-
mer faas peiuc vne poignée de paiiiejCeccc
paille porcccaupicd dcsgenecsou desfou-
geres les mettre en feu, ^ cette flamme en-
fin fauter dans la torcll voiiîne , l'embrafer
en peu de moments , & par le grand clclac
quelle jette, taire comme vn nouueauiour
dansl obfcurité de la niiid ? Voila limage
de la vidoire des Apoftres , leurs difcours
font des traits de feu, qui pénètrent foudaia
dans vne ame,6(: qui 1 enflamment de zèle,
c^ttt ame zélée répand (a lumière & fa cha-
leur pour efcFairer & pour échauffer d'au-
tres âmes, & par vn fuccez miraculeux les
hommes en foule dans les villes, les villes
mefme &: les Prouinccs entières bruflent de
cette ardeur celefte, 5c abandonnant Tido-
latrie ferengentau feruice du Dieu viuant
&vray,afio qu'il paroiffequcrEuangileeft
la vertu de Dieu, <^: la puiflincede Dieu en
faluta tous Croyans. Grâces donc Cotent ren*
dti'es a Dieu , lequel en tout temps nous fait
triompher en Chrifl.
le fçay bien que les Apoftres ont cftc les
plus pures, &: les plus brillantes lumières
de lÊglife, que leurs noms ont efté écrits
fur les douze fondemens de la icrufalem ce-
C
'^. 12 L i T R I O M P H E
celefte^ & qu'ils doiuent eftre afifis fur
douze thrones pour juger les douze
Matth. lignées d'Ifracl. Us ont efté des fiam-
*^* '^' beaux dignement efleuez fur le chan-
delier du Temple dé Dieu , qui ref-
pandans leur lumière de toutes parts,
ont djlïipé la nuicl du Paganifmc , &c
les brouillards des herefies. Leur
bouche eftoit vne fource d'eau viue,
vne vaine de la fontaine éternelle , &
la terre a pris plaifirà s'enyvrer de l'a-
bondance de leurs eaux. le fçay bien
que ceux qui vous annoncent TEuan-
gile ne font pas Apoftres, & it con-
teffe que lors que vous deftournerez
vos regards de ces Eftoiles de la pre-
mière grandeur , la lueur des moin-
dres AlUes n'eft que pure obfcurué.
Neantmoins les paroles de noftre
Texte peuucnt fans qu'on leur faffe
violence eftre appliquées générale-
ment a tous les Miniftresde la grâce,
pource que fi les Apoftres ont eu va
employ <S: des grâces extraordmaircs,
en quoy nous ne leur fuccedons pas,
nous leur fuccedons pourtant par la
mifcricorde infinie du Père celefte,
en rœuure du minillere^^ en la dif-
penfation des fecrets de Dieu. Si vos
DE l/ E V A K G I L 1. IJ
Pafteurs n'ont pas rcccu les mcfiiics dons,
ils vous prefcntent neantmoins le mefme
falut, &fi ces vaifleaux ne font pas dvne
matière auiripreticuièjvous y rronuez neât-
moins les nielmes threforsqui peuuent en-
richir vos âmes. Le Seigneur Icius eft tou-
jours la matière de leurs Prédications , la
faindeté efttoufiours le chemin qu'il vous
apprcnent^^ le Ciel eft toufiours le but au-
quel ils vous veulct amencr.S'ils negucriflTéc
pas miraculeufemctles malades de mefme
.que les Apoftres, neâtmoms de mefme que
les ApoftresilsconuertilTenc les pécheurs;
S'ils ne donnent pas la veuc aux aucogles,
ils éclairent l'inteiligcnce des errans j S'ils
ne rcflufcitent pas les morts, ils releuent les
hommes du tombeau du \icc : & s'ils ne
chaffent pas les démons des corps qui eu
font pofledez, ils renucrfent le throne de
Satan, &: cfleuentceluy du Seigneur lefus
-dans la confcicnce des hommes. Encore
que Dieu repâde fouucnt du fcin des nuces
ces eaux precieufes qui font la fertilité de
nos champs, neantmoins il remplit ordi-
nairement nos fontaines par des canaux (è-
crets quenousaiions bien de la peine à dé-
couurir ; Mais foit que les eaux tombent
fcnfiblementdc lair, foit qu'elles fcmblenc
naiftre de la terre, elles découlent toutes
C2
14 Li Triomphe
cgaicmcnt de la mer, elles font toutes éga-
lement condultespar la prouidence Diume.
>Jous pouttôs dire la mefme chofe des eaux
de la grâce-, elles ont efté verfées extraor-
dinaircmcntdu Ciel ^d'vne fa^on plosau-
gufte & plus admirable fur les Apoftres,
elles font communiquées aujourd'huy aux
MiniftresdeCiirift ,parde fecrets canaux
aucc moins d'éclatj&auec moins d^'abon-
dance .-mais elles defcendent toufiours de
la mefme fource de la Grâce, & elles font
toufiours adreflfées à l*edificatiô des Croyâs,
A la louange donc de la mifericorde qui ^
nous a efté faite, nous dirons auec S. Paul, î
Grâces fuient rendues a Bien qui nous fan
toufiours triompher en Chrijl^ér qui manijefe
auilî far nous L'odeur de fa connotjfAnce en tous
lieux.
Ouy,Mes Frères, le monde rcnouuclle
toufiours fts combats contre TEglife, & le$
artifîcesde Satan ne font pas encore épui-»
fez; D vncofté ne voyons nous pas scle-
uer du fond des abyfmes vne vapeur noire
qui obfcurcit l'intelligence des hommes, &:
qui ks fait perdre dans les précipices de
Terreur ? De nouueaux Arriens viennent
blafphemer contre la diuinité du Fils de <
Dieu, 6c font tous leurs efforts pour le faire
defcendreabfolument au nombre des créa-
DE l' E V A N Gl L B. IJ
turcs. De nouucaux Pelagicns vicnncnc
cilcucr l'idole de leur propre juftice ,oppo«^
(cr la nature a la grâce, fouftenir les forces
du Franc-Arbitre & faire dépendre les Dé-
crets de Dieu de la détermination de Ihona-
nie ; Et que diray-jc de tout ce grand
corps de fuperftitions & d'erreurs qu'on
a formé dans la nuid de l'ignorance ,
& qu'on prefente aujourd'huy auec tanc
d'éclat 5 6c auec tant d'artifice j Mais ce
neil pas tout encore > lors qu'auec la
clarté de la parole de Dieu nous auons
diflipé ces fantofmesj Ôc illumine ces ténè-
bres, le monftre du vice ne nous prefente-
il pas vn nouueau fujct d'exercer nos for-
ces, Et ne nous oblige il pas à entreprendre
vn nouueau combat? Il faut fer mer la bou-
che aux blafphemateurs^efteindreles flam-
mes impures des luxurieux, inspirer la cha-
rité aux auares^arrefter la fureur des vindi-
catifs, animer lecœurdeslafchcs, efclairer
l'aueuglement des ambitieux, &renuerfer
les fortercffes que le péché eileue dans les
cœurs des hommes à l'cncontrc de T)ieu.
Et dans tous ces combats , grâces à Dieu
qui nous fouftient,& qui accompagne no-
ftre prédication de la vertu de fon Efprir,
nous fommes vainqueurs & nous triom-
phons en Chrift, foii pour la confufion de
t6 Le Triomphé
ceux qui perifTent, foit pour la confo*
lacion & pour la joyc de ceux qui
font fauuez. Car Dieu 4. parlé par fa
fain^etéé* nous triomphons : Nous par-
tagcêns Sïchem, nous mefurons la vallée
l^r.ioS. deSuccoty Galaad tfimftre^ Manaffé eft
nofire^ & Ephaïm ejl la force de noftre
chef
Maïs helas ! comment triomphoit
Saint Paul3& comment triomphent
au jourd'huy les Miniftres de la Grâce?
Ce terme n'eft-ilpas trop beau ? Et
leur condition mefprifable s'accorde
elle bien auec la pompe & la gloire
des triomplians î Quoy , celuy de qui
les bourreaux déchirent trois fois les
c/paules à coups de verges, celuy
qui demeure prefque accablé fous vne
grefle de cailloux, celuy |qui eft par
tout dans le péril fur la mer , fur la
terre, dans les villes, dans les defcrts,
&parmy les faux frères & parmy les
brigands. Peut-il après cela parler
de fes vidoires & de fes triomphes.
O que les vidoircsSc les triomphes
des mondains font differcns de nos
triomphes & de nos viâoircs ! Ils
triomphent de la mort de leurs cnne-
roisi3c dç I4 defoUtion des Villes 5c .
© E L* E V A N G 1 L i. 17
des Prouinces qu'ils onc m^fes fous leur
joug par la force de leurs arines^ & nous
triomphôs au milieu des peines de la morr^
lors que nous fauuons nos perfccuieurs, &
que nous retirôs de l'abyfaie les bourreaux
qui nous font mourir. Us triomphent des
maux qu'ils ont fait endurer aux autres ô£
nous triomphons des maux que l'on no^if,
a fait endurer. Ils triomphent pour auoic
fait pluficurs mifcrables, afin de contenter
leur ambitiôjôi: d'eftablir leur propre gloire
& nous triomphôs pour auoir faitplufieurs
bien-heureux aux defpens de nos ibins^ de
nos labeurs ôc de noîlre vie.
Encore qu'on aitnbuè aux Grecs le prc^
miervftge du triomphe, & qu'vn de leurs
héros après la conqueiledes Indes, ait le
premier triomphé defes ennemis vaincus,
il faut neâtmoinsconfefler que les Romains
ont célébré leurs triomphes auec plus d'é*
clat& auec plus d appareilla: qu'on n'a rien
veu fur la terre daullî pompeux ni d'aufli
fuperbe. Et comme au fiecle de Saint Paul
c'eftoit feulement dans Rome qu'on voyoic
de pareilles magnificences, il y a fans doute
voulu faire aliufion dans les parolles de
noftre texte. Dieu nous fait triompher toufiours
en chrift, Parmy les Romains on n'accor-
doit l'honneur du triomphe qu'a cciuy qti
l8 L E T R I O M F H E
auoit remporté vne vidoirc confiderable^
ou du moinSjCinq ou fix mille ennemis fuf-
fcnt demeurez fur la place. Le triomphe
des Apoftres Ôc des Minilires de Chrift
prcfuppolc vne vidoirc plus glorieufc^
puifque nous n'auons pas la lutte centre les
£rtncipautez, , ér les Puijfances i mais Auffi
cêmtre les mslices fi>irttueUcs qui font aux lieux
celcjîes ^ Se qu*il faut que Satan luy mefmc
fbjt brifc fous nos piedl Celuy qui triom-
phoit eftoitordinairemétefleuéfurvn char
dyvojre oùTor brilloic de toutes parts, il
portoic fur la tefte vne couronne de laurier,
ou vne couronne d or: &: les Apoftres ôc les
Miniftres de Chrift font mis en Ipeâacie au
inonde,mais leur char ce font^ou leschaires
rurlefquellesils annoncent la grâce, ou les
cfchafFaux fur lesquels ils fouft'rent la mort;
& leur couronne auflî bien que celle de leut
Sauueur eft toute tiflue d'efpines* Celuy
qui triomphoitportoitvnerobbc de pour-
pre, & fon char eftoit taché dé quelques
gouttes de fang, pour marquer que le côbat
d'oii il reuenoit vainqueur auoit efté bien
fanglant.'Leç Apoftres & les Miniftres de
Chrift sot rouges du fang qui coule de leurs
propres veines, car aurcfte ils n'efpandenc
point Icfang de ceux qu'ils vainquent, au
contraire ils u'agiffcnc que pour Icurfalut,
ils ne
D H L* E V A N C I L fi. J9
ils ne combattent que pour leur donner la
liberté. On auoit accoullumé de porter de-
uanc celuy qui triomphoic des figures de
bois, de cire, d'y uoire, d'argent &: d'or, qui
reprefentoientics régions, les montagnes,
les fleuueSj& les Villes qu'ils auoient con-
quifes, &on monftroitau peuple Romaia
de nouucaux arbres, &: de nouueaux ani-
maux qu'on auoit pris dans les terres qui
venoient d'eftrc foubmifes à la Republi-
que: Les Apoftres & les Miniftres de Chrift
defcouurent aux hommes de nouueaux my-
fteres, ils leur monftrent vn arbre miudic
qui porte le fruit de vie , & les cntretiennet
des merueilles du Paradis, qui eft cet empi-
re de gloire que le Seigneur lefus nous a
acquis au prix de fon (ang. Enfin parmy la
pompe du triomphe on voyoit fouuentdcs
gens qni difoient des ininres a celuy qui
triomphoic, afin qu'il ne fe laiffaft pas
cbloijir à tant de gloire ; Icy tout au con-
traire parmy la foule de ceux qui difent tics
outrages aux feruiteurs du Seigneur lefus.
Dieu mefle des âmes pieufes & faindles qui
leur donnent des benediâions, Ârqui célè-
brent leurs loiiangcs : mais quelque diffé-
rence qui fc trouuc entre les triomphes des
Romains, & les triomphes des Aportrcs Se
dcsMiniftrcs de Chrirt,toufiours y rcmar-
D
1
20 L E T R I O M P H H i
qucz- VOUS cette conformité -, C'cft que Co-
me les conquerans malgré mille obftacles
accomplifl'ent leurs dcficms, fatisfont leur
ambition violante, &:eftenclent les bornes \
de l'Empire pour lequel ils ont combattu,
6c triomphent d'vn lî beau fuccez. Ainfi
maigre mille obftacles nous accompliflbns
nosdefTeins, nous fatisfaifons Tardcntc ôc *^)
charitable paffion que nous auons pour le
falut de nos Frères, nous eftendons les bor-
nes de Tcmpirc de lefus-Chrift : & quand
vn fifauorabic euenement couronne enfin
nos trauaux^nous en triomphons auecioyc
en Noftre Seigneur lefus-Chrift, Encore ■'
queleferuiteurde Dieufoitexpofé au mef- *r^
pris des hommes, &: à la fureur des Demos:
s'il porte neantmoins dans (c% mains le
fceptre de la fc>rce de Chrift, fi Dieu le cou-
ronne de fes gratuitcz, fi fon ame cft brillâ-
te des ornemens de la vertu, s'il foule à fes
pieds les vices vaincus, fi fon efperancc 3c
lifoy forment comme le char de fontriom-
phe qui lefleue enfin de la terre, & qui le
conduit non pas an Capitole , mais dans le i
Ciel, qui eft le Temple éternel du Dieu des -
Dieux i ne peut-il pas dire auec ioyc} Gra-
écs à Dieu qui me fait îcufi ours triompher c/f
Chrijl,
L Ce que Sainct Pnul dit que Dieu le fait
DE l'EvaNGILB. 21
coufîburs triompher, eft bien remarquable;
car il femble d'abord que la puiiTance de
TEuangile ne fe déployât que fur les Eflcus,
©n ne peut pas dire que Jes Fadeurs qui
annoncent cette Euanyile, triomphent des
Infidèles & desmefchans. Et comme ceux
cy font en plus grand nombre, & qu'il y a
plufieurs appeliez 5<rpeu d'efleus^on pour-
roit croire que SaimS Paul auoit plus de
fujct de fc plaindre de la refiftancc des obfti»
neZjqu'à fe glorifier de rûbeilfancc des Fi-
dèles. Autrefois lacob fut appelle Ifraél,
parce qu'il auoit elle le Maiftre luttant auec
Dieu, (i qu'il en auoit remporté fa benedi*
iSion : iMais ne diriez-vous pas que les met
Chans veulent cftreles vainqueurs en com-
battant auec Dieu, & qu'ils veulent eiTayer
qui fe laflcra pluftoft ou le Seigneur de leur
bien-faire, oucux d'offenfer le Seigneur;
Dieu les veut vaincre par fes faneurs, 5c ils
le combattent par leur ingratitude : Dieu
lesappelle par les riche/Tes de fa patience,
& ilss'efloigncntde Dieu par leur impeni-
tcnce & par leur iiifîdelité: Et enfin par vne
malhcureufe vidoirc ils rendent inutilles
Icsfemonces que Dieu leur adrefle. Se de-
meurent fermes dans leur naturelle cor-
ruption. Comment donc noftre Apoftre
peut-il maintenant dire, qu'il triomphe tou-
jours en Chrift? * t>z
32 Le Triomphe
C'eft^ Mes FrereSj que foie que les hom-
mes fc conueriiflent par la picdication de
rEuangile,fpit qu'ils perfeuereiu dans leur
incrédulité^ toujours les Miniftres de Chnft
triomphent, pource qu'ils amènent les vus
à ehrift, & les rendent fes Difcjples, &
qu'ils aflujettiffcnt les autres à vn fupplicc
etcrnelj&: amènent fureuxlacondamnatio
q-ue leur obftination mérite. Ils triomphent
toufiours ou en intuoduifant dans le Para-
dis vne troupe glorieufc des Fidelles ,oucn
ouurant les Enfers aux impenitcns. Tantoft
auecie marteau de la parole de Dieu ils
brifenr les cœurs de pierre & en font des
cœurs de chair, ou la loy du Seigneur s'im-
prune fans peine, & tantoft lançant la fou-
dre de leurs anathemes fur les rebelles, ils
en font des exemples malheureux de la co-
lère du Dieu viuant. Icy ilsconfolentl ame
affligée parles promcffes de la grâce, là ils
abbitent les fuperbes par les menaces de
Ja loy, Se comme d'vn cofté des efclaues de
Satan ilsfontdes Difciples de Chrift des
Enfans de Dieu Se des héritiers du Ciel , de
Tautre ils font mordre la poudre aux or-
gucilleux,& apprenent i ceux qui fe croyec
cftre les maiflres du Monde , qu'ils font le
butin de la mort & la proye des Enfers. Ee
coijimc le feu ne monlhe pas miçux fa force
DE l' Evangile. ^3
quand il éclaire nos yeux par fa clarté ou
quand il purifie Tor par fa chaleur, que quâd
par cette mcfme lumière il fait mal a des
yeux malades, 3c que quand par la violen-*
cedelamefme Hamme , il confumc ôc la
paille &Iesefpiries : Ainfi les Miniftrcsdc
Chnft fonctoufiours efgalemct vainqueurs
& toufiours efgalement triomphans, &: lors
qu'ils guerifrenc& lors quils bleficnt, &
lors qu'ils viuifient& lors qu'Us tuent , &
lors qu'ils elleuent les Fidèles dans le CicU
& lors qu'ils précipitent les incrédules dâs
les aby fmes, & lors qu'ils (ont odeur de vie
a vie a ceux qui font fauuez , &c lors qu'ils
font odeur de mort à more i ceux qui pc-
tiiTent. Triomphez toufiours de la forte ou
en difpcfan tics grâces de Dieu, ou en f'iU
minant fcs anathemes^ ô bien-heureux Mi-
niftres àuStigncut Ufus.KeUuez'vos mains
qui font lafcfns , (^ vês genoux qui font def
joints : Combattez genereufement contre
Satan & contre le Monde. Soyez Fidèles
iijfquesàlamort, &:n'enuiez pas la gloire
des conqucrans j \os conqueftes font plus
glorieufes : n'enuiez pas la grandeur des
Kois^puifque le Seigneur lefus vous promet
de vous donner la couronne de vie.
Mais au milieu de ces combats & de ces
triomphes /pirjruels> fouucnons-nçtts toû-
24 LiTriomphe
jours que ce n eft ny par nos propres forces,
ny pournoftrc propre gloire, que nous dc-
uons combattre, & que nons pouuons de-
meurer vainqueurs, c'cft en Chrift qut nom
triomfhos^ c'cft à dire, en la vertu de Chnft,
cnlacaufe de Chrift, & pour la gloire de
Chrift ; en la vertu de Chrift qui nous for-
tifie, en la caufe de Chrift que nous foufte-
nons, & pour la gloire de Chrift qui eft IV-
niquc fruid de nos peines. Nous triomphes
en Chrift, parce que fi nous n'eftions pas
vnis a luy nous ne f^jaurions vaincre : Nous
triomphons en Chrift, parce que dans nos
vi(5loires c'cft fon Euangile feul que nous
prcfchons,& qui eft crû au Monde -, & enfin
nous triomphons en Chrift parce que c'cft à
Tanancement de fbn règne & à la gloire de
fon nom. O vous qui vous appuyez fur la
force de vos propres raifonnemcns , fur la
beauté de voftre génie, & fur les grâces de
vos difcours , vous ne triompherez pas en
Chrift, pourcc que vous attendez voftre
vidoircde vous-mefme. O vous qui annô-
cez des erreurs au lieu de publier la vérité,
qui prefentez au peuple ou les traditions
des hommes, ou les refuerics de voftre ima-
gination, vous ne triôpherez pas en Chrift,
pource que ce n*eft pas pour fa vérité , mais
pour vos opinions que vousaymez à corn-
DE l' E V A N G I L B. X5
bzttïCjSc VOUS qui prcfchcz Chriftparcmu-
iâiion de par enuie^qui cherchez voiirepio-
pre gloire, & non pas la gloire de Dieu,
reftabliflement d'vnc belle réputation , &
nonpasl'auancement du règne de Chrift,
vous ne triompherez pas en Chrift, pourcc
que vous ne trauâillez pas pour fa gloire,
& que vous prétendez recueillir tout le
fruid de vos labeurs. Ceux-là feulement
qui empruntent toute leur force de rafliftâ-
ce du Seigneurlefusquinefeprcfchent pas
eux- mcfmeSi mais qui prefchent Chrift , &
qui ccnfacrent leurs veilles & leurs trauaux
a la gloire d'vn fi grand Maiftrc : Ceux-là,
feulement peuuenc ditQ , Ncfts triomphons
toufiouYs en Chrijl,
Nous vous difons Mes Frères , que cette
vidoirc de S. Paul, dc$ Apoftres & des Mî-
niftres de Chrift confifte en ce qu'ils diffi-
peut les erreurs, & qu'ils cnfeigncnt la véri-
té, & en ce qu'ils combattent la corruptioa
des hommes, & les amènent à la pratique
de la vertu ; l'Apoftre comprend toutes ces
chofesences mots, Dieu manifejlepar nous
l'odeur de fa connotjjance en tous Iteux • car it
parle icy de cette connoiflance falutairequi
produit infailliblement l'amour de Dieu,
de cette connoiffance de laquelle S. Ican
difoit au chap. 4. de fa i. Epiû. ^c celtiy
^6 Le Triomphe
^uin^aymefoint n'A f oint connu Dieu y pour
monftrer qu'il eft impoflible de le connoi-
ftre fans Taymer, & de laquelle noftre Sau-
ueur difoit au 1 7. de l'Euangile félon Saincft
lea n, ^e c'ejl icy la vie éternelle de connotjîre
Dieufeulvray Diett^ (jr celuy qitil 4 enuoyé
Jefus-Chrijl.
Or nous deuons bien confefTer que Dieu
auoit-manifefté faconnoitîance parles oeu-
«res delà création;, puis que Saind Paul
nous témoigne au premier de fon Epiftrc
aux Romains, ^e les chofcs inutjibles de
Die/t^ à fçauoir tant fà puiflance éternelle
quefà diuinité, fevoyent comme a lœilefiant
conjiderées enfes ouuragesy afin que Us hommes
fuient rendus tnexcufablcs^Lt Prophète Dauid
nous enfeignoit la mcfmechofe au Pfeau-
me 19. où il nous rcprefente les Cieux com-
me publians /a gloire du Dieu fort, é* l'ejlendué
côme nous annonçant louurage defes mains.
Et certes Dicua graué fur le front du Fir-
mament de fi illuftres tefmoignagcs de la
puiffance de /à main,& des marques fi éclat-
tantes de fon admirable iàgeife qu'on peut
dire que les Cieux ne montrent pas feule-
ment, mais qu'ils chantent mefme & qu'ils
Célèbrent à haute voix les merueiUcs & la
gloire de leur Authcur. Lors que vous con-
templez cette vaftc cftenduc des cercles
celefles.
DÉ L*EVANGI L 1. ij
<:clcftcs, cette rapidité fi violence & fi ré-
glée qui les emporte de l'Orient à l'Ocçi-
dent> cette pureté merueilleufe de la matie*
re dont ils rontcompcfcz, Recette brillan-
te fplendeur de tant de feux qu'on y voit re-
luire : ne vous fcmble-il pas, que ces mer-
ueilles font autant de langues dont les
Cieux forment cette voix, La main qui nous
4 formez, ejl toute puijfnnte, & ^^fig^Jfi^^*^
nous f re fer it les ordres que nousfuiu'bs eji infinie.
Mais quelque puifîante que fuft la voix
des Cieux,&: quelque riche que fuft ce ta-
bleau où Dieu seil peint luy-mefme aucc
de fiviues couleurs, les hommes eftoient
fourds a cette voix, ^&: aueugles a ces mer-
ueillesj ils eftoient fans Dieti au monde,
encore que le monde leurprefchafthaute-
mentvn Dieu j & cette gloire eftoit refer-
uée aux Apoftrcs , & aux Miniftres de
Chrift 5 d'eftre les bien-heureux organes
que Dieu employé pour manifefler en tous
lieux l' odeur de fa conmiffance- Quand Dieu
fe fcrt de quelques moyens pour acheuer
fes ouuragcs, il s'en fert par indulgence &
non pas par ncccffité, pour honorer les
moyens &non pas par quelque befoin qu'il
ait de leur entremife : mais cela fc vérifie
particuherement en laconuerfion deshom-
mes i Dieu pourroic ou leur taire ouïr aa
E
dehors vncvoix quiles^duertit deîcur'de-
uoir, ou efcrire immédiatement fcs loix au
dedans de leur cœur, ^ neantmoinsil a
-voulu employer des hommes en cet ouura-
ge admirable, lia voulu comme fe les affo-
cierjafin quils fulTent >ouuficrs aucc luy»
Xors qu'il créa le monde, il agit par fa feule
parcle,lesCieux ont efté faits par clic, ôc
toute Tarniee des Cieux par l'Esprit de fa
bouche ; mais en la création de ce nouueau
:JVlonde , il nous fait cet honneair de nous
-commander d'y trauaillerauecluy , :6c veut
manifeftcr par nous l'odeur de fa connoif-
(incc. S^ns nous il a peuple l'air doy-
/eaux>k.Mer de poiiïons, &la terre de
.plantes &d animaux. i mais Jl ne veut pas
îans nous peupler le Cield'ames bien-heu-
-reufes, ny fauuer les hommes delà mort.
-Vousdinez qu'il. fait de tous les prédica-
teurs de fa parole autant de Cauueîjrs du
monde .Entenàtoy^ dit Saincl ;paol;i Ti-
moihée au chap. 4. de la r. Epiftreqù il luy
cfcrit ; Enten àtoy dr nl'endocirmementM Pcr-
ftfte en ces chofes^ car en ctfaifafittn iefafiffteras
toy-mefnte^C^ ceux cjtn.t'é coût ew ,\\ f\o\is fem-
ble bien que ç'eufteftc vue belle chofc, fi
les Anges & non pas les hommes! cuffent
crté honorez de CC' glorieux cmplby ; & jl
♦ne faut point doucei: que ces rayons de lu-
D £ l' E V A X G I L B. 2^
inierc donc nous les verrions briller^ que
cette diuine éloquence qui efclattcroit dans
leur difcourSj que cette gloire & cette Ma-i
jefté donc ils fcroienc enuironner ne frapalb
lesf€nS5& ne furpric les efprics des hom-
mes pour les faire tenir dans vnc humble
foiimiflion ; Figurez vous, ie vous prie^qucL
fcroitnoftre eftonnemenc^fi lors que nous»
fommesaflcmblezdansce lieu pour adorer
rEtcrnel3&: pourinuoquerfon Saint Nom,
nous voyio^îs en va inftant la voûte du*
Temple le fendre, & vnc lumière celefte {&
répandre de couces parts ; & fi- du milieu dç*
cetteclartc merueiÙeufe nous oyons fortii*
vue vaixqui-nous annon^aft la grâce, qui
nous parlaft des mérites de noftre Saiiueur/
des foufîra^icesde (a mort, de la magnifice-
cedefoâtriomphe & de rexcellchcedclîl
gloire qu'il prépare à fcs Groyans. MâfiB
confeffbns^ Mes Frères, qu'alors la mer-^
ueille de noftre conuerfion ne feroit pas
grande, & noftre foy fembleroic pluftoft vrt
effet de l'apparition de cet Ange , que de
la vertu du Saind Efprit : l'employ d'vii
moyen fi illuftre donncroit moins de glojrd
à cette première caufe,pource qu'on en
Mpporteroit vne parties ce moyen, & loit
poûttoit douter qui auroit plus contribué à
la vôcacion de rhouime -, ou l'Ai^gc ou le
E 2
30 Le Triomphe
SaindEfprit. Aulieu que maintenant Dieu
employé des moyens li foiblcs d'eux mef-
mcs,qu'en radroiration de ce giandetfect
qu'ils produifent, on eft oblige de monter
iufques a Dieu 3c de luy en attribuer toute
lagloire. Lors qu auec vne puiflfante armée
lolué met en fuitte les Cananéens : On s'ar-
refle facilement à la valeur & au nombre de
fesfoldats, quand on cherche la caufe de fa
vidloire, & on ne porte pas fa penlee fur le
fecoursdeceluyqui s'appelle le Dieu des
combats 6c l'Eternel des armées : mais
quand aueç vne gaulle a bœufs Sangar fur-
iponre les ennemis d'ifraêl, quand auec vne
mâchoire d afne Samfon met à mort raille
Philiftins, nous ne pouuons nous arrefter
ny à Samfon ny a Sangar,nous y rcconnoif-
fons le bras du Tout-puifTaht , & voyons
bien qu'il eft IVnique autheur de ce miracle:
De mefme fi vn Ange prefchoit TEuangile,
il le prefcheroit auectant de dignité, & la
rcfiftancc que les fuperftiticux & que les
tyrans luy oppoferoientferoit fi peuconfi-
derabIe:,qn'on pourroit attribuer laconuer-
fiondelhomme à la feule prédication de
l'Ange : Mais lors qu'vn homme foible an-r
nonce ce mefme Euangile, & que Ton void
de û puifTans ennemis qui le choquent &
qui veulent rendre inutiles fes labeurs 5c fes
DE l'EvANCIL£« 3^
efforts, & que neancmoins dans le fucccz
cet homme infirme vient a bout du dcflein
qu'il a entrepris d'amener les hommes au
Seigneur lefus , il faut ncceffairement qu'on
aduouèque c'eft TEfpritde Dieu qui agit,
qui conuertit les cœurs rebcUcs, & qui dif*
fipe les ténèbres de 1 erreur. Que nous ne
fommes que des inftrumens foibles en (a
main toute puiflante : Que c'eft hiy qui ma-
nifefte par nous l'odeur de fa connoiffancc.
par nous donc 6c non pas par la voix des
CicuXyôc parlesouuragesde la nature, par
nous encore, &:hon pas par Tentremife des
Anges, Enfin par nous,en oppofant mefmc
TEuangilc a la loy, & les ^enfeignement des
Apoftres aux oracles des Prophètes.
Car en effet la connoiffance que Dieu
donnoitde foy-mefme parle miniftere des
Prophètes, &: fous ladifpenfation de laloy>
cftoitobfcure en comparaifon de celle qu'il
nous donne auiourd'huy fous la difpenfa-
lion de la grâce. La parole des Prophètes
cftoit comme vne chandelle qui efclaire eii
vn lieu obfcur, & celle des Apoftres eft cô-
nie vn Soleil qui illumine toutes chofcs.
Maintenant Dieu s'eft manifcfté à nous en
Icfus-Chrift^ quicft l'image deDicuinuifi-
blc,qui eft la refplcndeur de fa gloire, & la
marque engrauce de fi pcrfonnc ; en telle
jà Le T R I O m p iî b
forte que qui le void, il void à incfmc temps^
le Pcre: Le myfterc de la Trinité & de la
Rédemption, qui font à tnon aduis, les deux
q4ii nous donnent vne plus particulière
connoiffancc de Dicu^fe de ce qu'il eft en
luy-rtiefrtiej&decequ'il eft enuers nous:'
Gcs dfeuK grands & importans myfteres,
cftoienc cachez fous des voiles, & eftoient
frpeuconneus,qucle moindre au Royau*
me des Cicuxeft plus grand en cette con-
noiflTance que les Prophètes & les Patriar-
dies. Les perfe(îHons de noftre Dieu nous*
font maintenant toutes connues, noftrc amé*
rauie contemplcà'dcfcouuerf lés tendre/Tes
de fonamourilestfchefles de fa grâce, le»
dcfleins de fa Sagcfle , & les mertacillei de
fon pouuoir en Toeuure de nôftre deliuran-
ce,dan^laqueUe la grâce fàlutaii^eft clai-^
rement apparue' â tous hommes- EtVroipme
la bonté de Dieu eft par deffus toutes fes
césures, nous poiiuons dire qu'il ne s'eftoic
jamais donné bien à connoiftre aux hom-
mcsjiufqu'à ce qu'illeura fait voiries der-
niers efforts de fa charité infinie, & la hau*
teur, la largeur, la longueur & la profon-
deur de cette charité n'ont paru qu'en la
mort du Seigneur Iefus,& la niorc du Sei-
gneur Icfus n*a efté prefchée que parles
Apoftics &-parIes Prédicateurs d^ l'Euan-
DB t'E V A NOIÎ. B. ^J
£ilc : c'cd cionc par leur miniilerc que Dieu
s'cftrcuelcau Monde, /'^r /r^«j D/^m m4n{^
fejle lùdeur de [a connaijjkmc en tcus Ueux^ ,
Lacoi^noiflance de Dieueit (ouuencco-
pâcee à la lumière dans 1 Efcricure fainde^
& les Miniftreb de la grâce font comparent
adesHambeauxquiporrccau deuanc d'eux
-la parole de vie ; Mau icy il nous eft parlé
de l'odeur de cette connoifIance> àc au
verfet fuiuant , les >\p<>ftres font appeliez
la bonne odeur de Chrift. Ils ne Ibntpas
feulement de belles lumières^ & des aâres
. bri/lans qui jettent de toutes parts vne clar-
té viuifiante, mais ils font encore comme
des vafes précieux qui contiennent des re-
mèdes incomparables, dont l'odeur parfu-
me l'air, & dont U vertu reftaure les âmes.
I^ofts manifcjlms l odeur de U connoijfancc 4t
Z)/^«. Nous difons ordinairement que ceux
de qui la mémoire eft en benediâion après
leur mort, ont laiffé vne bonne odeur de
leur nom, au contraire nous auons accou-
tume de dire de ceux qui viuent mal,qu'ils
fojuten mauuaifeodeura cous ceux qui les
comioilTent : & lesllraèliies au cinquiefnjc
de l'Exode fc plaignent de Moxfc & d'Aarô,
&difent qu'ils font puir leur odeur deuanc
Pharao. le i>'cfti,me pas neantmoins que
1 ApoAre qui parie de i'Qdeiir dCiMcon-
34 LeTriomphi
noiflance de Dieu,ait entendu feulement la
réputation & la gloire de ce grand Dieu
qu'il fcmoit dans le Monde comme vne
precieufe odeur : Il a fans doute confideré,
que comme les bonnes odeurs fortifient de
réjoùiffent les efprits animaux dont noftre
ccrueau eftlafoutcci ainfi la connoifTance
deDieuinfpirc à noselprits & la vigueur
& la joye ; La doôîrine du Seigneur , difoic
Dauidau Pfeaume 19. ejl entière, elle rejlaure
tame^ les comandemens du Seigneur font droits^
ils reftouijfent le cœur.
L« Prince des Médecins, le grand Hypo-
crate dans le traitté desaliments , nous en-
feigne que lors qu'vne perfonne abbatuc
par la faim a befoin d*eftre promptement
fecouruëjpourrappellerpluftoft fes forces,
il faut luy donner des chofes liquides, ou
pour agir auec vn fucccz plus prefent , ii
faut fe feruir des odeurs. Democrite con-
ferua trois jours fa vie par la feule odeur du
pain chaud :& l'on croit qu'Arifto^erece ut
vn pareil fccours de l'odeur des pommes.
Pour remettre bien-toft vne ame, pour la
nourrir & pour la fortifier dans la vie de la
grâce, l'odeur de la connoiffance de Dieu
cftleîàlutaire aliment qui luy peut donner
des forces qu'elle chercheroiten vain dans
Us fciences humaine«. Ce a'cft pas tout
encor'
Dl T* E V A NC I L E. 35
encore, car VOUS f^auez que les odeurs pu-
rifient l'air, & pour celte raifon les Egyp-
tiens feparfuinoient au matin auec quelque
efpecc de refme , &: au midy auec de la
myrrhe: L'on employé parmy nous les par-
fums de bonne odeur contre les rauages de
la pelle. Et l'odeur de la connoiflancc de
Dieu n'efcarte-ellc pas le venin qui donnc-
roit la mort à nos âmes ? & ne nous prefer-
ue-elle pas de la contagion de l'erreur i
Adjoufterons-nous enfin auec S. lerofmCj
que TApoftre parle de la connoiflance de
Dieu comme d'vne odeur, pource que nous
flairons, pour le dire ainfi,. la diuinité plu-
toft que nous ne la voyons. Et comme fi on
vous prelentoit dans vn vafe quelque dro^
gue de grand prix, vous en fentiriez l'odeur
auant que d'auoir ouuert le vafe j Ainfi iuA
qu'a ce que Dieu fe reuele a nous dans le
Ciel, nous en Tentons Todeurdans les grâ-
ces qu'il nous communique jinais lors que
nous ferons recueillis dans fon Paradis,
nous le contemplerons face à face , & fcrôs
raffafiezdefa bien-hcurcufe reflemblancc,
C'eftoit fans doute de cette odeur que Dieu
répand de foy-mefrac dans l'Euangile , Se
que nos âmes reç'oiuenr auec tant de plaifir,
& auec tant d'vtilité, que Dauid parloitau
Pfeaume 45. quand il difoicque le mufq &
F
J5 I I T K I O M ? H ij
Tambrc dcfcouloient des vcftcmcns de
rE/poux^&poorcela que Ton Efpoufe au
premierdu Cantique des Cantique^, parle
de la bonne odeur de Ces parfums, & demâ-
dedeihe attirée pour courir après luy, &c
voicy les Apoftrcs du Seigneur lefus qui
fement cette falutaire odeur par tout l'Vni-
Mers, irranifeftant en tous lieuK Todeur de
laconnojfTance de Dieu.
Puis que c'cft en tous lieux que l'Apodrc
îTianifeltoitla cônnoiifance de Dieu, il pa-
roift que le temps eftoit venu auquel Dieu
ne deuoic plus comme auparauant cftrc
cogneu feulement dans la ludée. Que ce
neiloitplus feulement en Ifraèlque la force
de (btt nom deuoit ettre rendue célèbre;
maisque fuioant l'oracle que Dieuenauoit
prcxnoncc par la bouche de Malachie , au
premier de fes re-uelations, il faloitque le
nom de Dieu fuft grand depuis lOrientiuf-
qu'al'Occidenr:, ôiquen tous lieux on of-
frit des encenfemens(& des oblacions nettes
à fonnam.Ilfalloitque les Gentils fuflcnt
appelles pour faire'Vhmefmecorpsauecque
les luifsj & que de toute la terre Dicfu en fît
comme vn Temple varte & fupefbc, ou il
peuft receuoir les hommages de toutes les
Nations. En tous lieux doitc fc iait agréa-
blement iènct;-cctte edeur q.ui auparauant
DF l'Ey A N'G IL'I. J7
ne parfumoic que la Palelline : Ce n'cft
plus feulement eu Galaad cjiic nous trou-
uons ce baume ineilimable, qui confolidç
nos playes^ il nous ell offert en tous lieuxt.
Et comme 1 Apoftre auoic dit, qttU triom-
fhoit tottjiours en Cbrïfl^ il dit au merme fens,
quilmamfejlc en tomjteax l'odeur^de U con^
noijfince de DieujCcd a dire que par tout
ou il prefclie , ( & vous f^auez qu'ij prefcha
en vncinfînité de lieuxdansrxA^fie 6c dans
rEuropc,)partoiit ou ilprefche^il gagne
des âduantages'iur Sataa^ & fur le Monde ;
qu'ilfait par tous des progrez &c des con*
qucftes i que s'il trouue par tout des enne-
mis, il a par tout la gloire de les furmonter^
qttefesefpines fc conuertiflent en palmes^
&;fes combats en triomphes. ^
O que ces vitftoires font illuilrcs ! & que
Tamc dcSaindt Paul eftoit bien remplie de
joye quand il receuoit vo fi beau fruiâ de
fes labeurs, & que fes efforts eftoicut cou>.
ronnezd'vn euenementfi fauorable. Mais
ne penfezpas pourtant qu'il en prit occa-
fion de s'en orgueillir .* ne pcnfez pas qu'il
-cnccnfafl à fes rets , &: qu'il facrifiaft a fes
filets: ces aduantagesrciieilloicnt (à grati-
tude, & non pas fa prcfompiia.a^ ils Tobli-
gCQÎent a glorifier Dieu, &1100 pas a s'ap>*
plaudir ai'oy-raefjiic. Grâces y dit. il , fiieni
F 2
3? L E T RIO M P Ht"
rendues à Dieudjui nous fait triopber en Chrijl:
^ qui manifejie farnous t odeur de [a, ccnnoify
tfance en tous lieux. Nous triomphons en
Chrift^mais c'eft Dieu qui nous faic triom-
pher : nous manifcftons la connoiflance de
Dieu,maisc'cft Dieu qui la manifefte par
nous: nous n'agiffons qu'autant qu'il nous
en donne lemouuement, &: la force. Que
voftre attention ferenouuelle. Mes Frères,
& pourueu que l'E/prit de Dieu me fouftié-
ne , ie vous parleray briefuement de cette
vertu de Dieu quis'accomplit en noftre in-
firmité, GYAces k pieu qui nous fait triompher
en Chriji.
La conuerfion des amcs, eft vnc féconde
création. Ou eft donc l'homme viuant qui
puifiTe de foy-mefme achcuer vn fi grand ou-
urageriifaut du milieu du chaos dq vice,
tirer les lumières de la pieté : il faut former
\n homme nôuueau en iuftice & vraye fain-
detc : il faut non pas fonder la terre' , mais
tranfporter Thomme qui n'eft que terre iuf-
qu'au delTus des Gieuxrilfaut fous les en-
feignes de lefus-Chrift renuerfer toute hau-
teflTc contreuenante à fa gloire ; il faut baftir
le grand édifice de TEglife, & polir ces pier-
tesviues qui doiuent entrer en ii conllru-
^ion. Et lors que nous acheuons toutes ces
chofc* , t^^^a ce pas â Dieu que nous en
DE l' E Y A N G I LE. 39
aoons toute l'obligation?quieftcc qui nous
donne vn front dt diamant contre le vice, &
IjC^ vicieux ? Qui eft ce qui nous donne la
langue des bien appris ? Quieft-ce qui nous
ouure les kurespourannoncerles mcrucil-
les du Smiuerain ?qui eft-ce qui ouure les
cœurs des hommfes, afin que noftre predica*.
tion y foit receùe ? Ccft Dieu , c'eft: Dieu,
Mes Frères, qui ett le feul autheur de tous
ces miracles. Il faut difoit Saind Auguftin,
corriger les peruers , arrefter ks inquiets,
confoler les miferables, animer les lafches,
redarguer les contredi/àns^efuciller lespa-
reiïeux, fouftenir les infirmes, enfcigner les
ïgnorans, reprimer les contentieux, fecôu-
rirlespauures.foulager les oppreffez, hu-
milier les fuperbcs, pacifierceux qui font Cft
querelle, ramener ceux qui s'efgarent , ten-
dre la main à ceux qui font trébuchez, ap-
prouuerles bons, fupporter les mauuais, les
aimer tous,cn vn mot triompher des hom-
mes &: des démons, du Monde & do péché
de lachair&du fang, & de tous les obfta-
des qui s'oppofent à Tefficace de noftre
Miniftere, au falut des hommes & à la gloi-
re de Dieu. Et fi Dieu n'efpandoit fa benc-
diâion fur nos laheurs, s'il ne releuoit no-
ftre courage, vn homme feroit-il capable de
CCS chofcs c Tremblez à la pcnfce de coûtes
40 L« Triomphe
ces difficultez> ô Miniftres du Seigneur le-
fgs, tremblez au fouuenirdevoftrc foiblcf-
fe, & dites comme leremie , Ha ! Seigneur^
enuoye-Ie par les mains de celuy que tu de-
urascnuoyer,car,helas! quifommes-nousj
Mais non, prenez courage, puifque le Sei-
gneur lefus a promis dcltrc aucc vous, fon
Érpric fo ulagera vosfoiblefles, & renforce-
ra voftre cœur ; vous pouuez toutes chofes
cnChriftqui vous fortifie. Rendez donc à
liiy feul toute la gloire du fuccez de vos
trauaux, & dites auecvnc (ainâe gratitude,
Cracesfoiet rendues à Dieu qui nous fait triom^
fhercn Chrifl.
Ezechiclrapporteau premier du liure de
fcs Reueiations, qu'il vid des roues qui s'a-
uançoient auec beaucoup de viteiTe -, ce qui,
fans doute, cftoit bien capable de luy don-
ner de leftonnement, mais il apprift la rai-
fon de ce mouucmet miraculeux^c'cft qu'vn
cfprit faifoit mouuoirces roiies. Admirez-
vous l'eflFet de la prédication des Apoftres,
cette conuerfion des peuples, cette noiiuellc
face qu'ifs donnêt à l'Vniuers^ne vous arre-
ftcz pasnyà cette celeftceloqueceauec la
quelle ils annôcct les my (leres de C. ny aux
miracles qu'ils produifét, ny àleurs labeurs
ny à leurs veilles, ouurez les yeux & vous
verrez TEiprit de Dieu qui am'nic cette ma-
DE t'EvANGlIi. 4t
chinciquilacôduit^qui la fait mouuoir,&qui
cd la première caufe de ces mcrueilleux
cuencmcs. Il ne faut pas facrifîer à Paul ny à
BarnabaSjCe ne font point des Dieux qui
fefoient rendus vifiblcs, ce font des hom-
mes que Dieu fait agir, & qu'il accompagne
deiâ verru. Nous f^^uons que la chair & le
faiig ne reuele point les chofes de Dieu,
que c'eft noftcc Pcre celefte qui nouscn
donne la connoiffancc. L'homme animal
ne Comprend point les chùfts qui font de
TEfpritde Dieu, elles luy font folie , d'au-
tant qu'elles fe difccrncnt fpiritucllemenr,
6c ccil Dieu feul qui nous communique
cétEfprit quilesdifcernc. Noftrecœur cft
couuert de ténèbres , iufqu'a ce que Dieu
i'éclaireluy-mefme,&: nous femmes morts
iufquacequ'il nous refufcite. Nul ne va à
Chnd file Père ne le tire, & nul ne fe cod-
iiertit^ que lorsque Dieu luy en donne &
Icdefir&laforce.
Le Minière de Chrift nous parle de la
pieté> &Dieu fèul de fon propre doigt U
peutgrauer aufond denoftreame. Le Mi-
niflre nous enfeignc le chc min du Ciel , Se
Dieu donne i nollre cœur de nouuelles for*
CCS pour entrer danscettcvoye, & poutjr
faire Jes progrcz. Le Miniftrc prclche &
Dieu periuadc,le MiniAre parle âc Dieu k
42 Lh T RIOM PHI
fait efcouter, le Miniftrc annonce la parole
de rEternei, & lEtcrnel accompagne cette
parole d'.vne, vertu infurmontabie qui nous
Fait courir après nollre Dieu. Ah ! Mes
FrcteSj que cette vertu du Saind Elpriteft
puiflTante, mais qu'elle eft doijcc : qu'elle
nous furmonte j mais qu'elle nous flatte:
qu'elle triomphe glorieufement de nos ef-
prits, mais. qu'elle fait bien confentir nos
cfprits a cette douce violence. Tu m'asatti-
ré, 6 Eternel, & j'ay. efté attiré, tu as efté
•plus fort que:raoy,Iln€ft ennous ny aueu-
glement que cette vertu puilfante n'illurai-
ne^ny brouillard qu'elle ne difîîpe, ny venin
qu ellcne chaffe, ny dureté qu'elle n'amol-
lifle, ny ohftacle qu'elle ne vainque, ny
frayeur qu'elle n'appaife, ny penfée fiereôc
orgueilleufe qu elle n'amené captiue à la
OoixdcChnft. Ceft donc à cette vertu
puifTantedeTEfpritde Dieu, à cette main
inuifiblequiofte le cœur de pierre & qui
donne le cœur de chair, qu'il faut rapporter
toute la gloire de noftxe conuerfion,.C'ç/? à
DleUy c'efih Dieu qu'il faut rendre grâces de cf
qu^'il nous fâitirio.mfher, en Chriji. : - = i
.p viues & brillantes lumières de l'Eglife,
Sain<fts Ap.oilres,.Sain(Ss Martyrs , Sainds
Euefquesdcla vénérable antiquité, voftrc
-gloire a percé robfcuritc-dp.iplijfieurs fic-
elés^
DB L* Evangile* 43
des, & vieuc encore cblciar nos yeux:
Nous admirons en vous, Teleuation de vo-
ftrc foy i les tranfports de voftre zèle, rédac
de voftre pieté, la profondeur de voftre {<^z*
noir, la force de voftre confiance, l'afllduué
de vos crauaux, 6c les efforts genereuxde
voftrecourage ; mais tout grands &coutad^
iîiirables que nous vous conceuons, vous
cftestofioursdâs l'ordre des chofes créées,
vous eftiez des hommes, & les viâoires que
vousauez remportées fur l'erreur & fur les
péchez, font au deifus des forces des hom-
:ines.Ils le f^auoient bien. Mes Frères , ils
-fentoienc bien leur foiblcffe, ils adoroient
bien cette main qui les fouftenoit: Grâces a
Dieu, nous difent-ils, auec Sainâ Paul, ^m-
ces k Dieu qumotis fait triomfhcr enChtïjî,
Sur le point qu'Alexandre fe preparoit
pour la bataille d'Arbelles, on vint luy rap-
porter que fes foldats faifoient entre eux vn
fecret complot de ne luy faire point part des
dépouilles qu'ils alloient remporter des en-
nemis j il fc refioijit de cette nouuelle,C'eft
vnc marque afleuréc, refpondit-il > qu'ils
fontrefolus de bien combattre & de vain^
crc. Il en eft autrement d^ ceux qui com-
battent fous lefus-Chrift, ils ne vamquent
iamais s'ils ne font vœu de luy en confacrct
touteslcsdcpouilks, comme on ne peut
G
'44 Le Triomphe
vaincre que par fonfecours 5 il nefaut vain-
cre que paria gloire. Malheur a ccluy qui
attribué a (on adrefTe ou a /es foins, des fuc-
cez qu'il doit rapporter a la benedidion de
Dieu & a l'opération delà grâce. Ce n'eft
pasmoy, diloit Saind Paul^^^nais la grâce
de Dieu qui ell en moy.
Nouslifons au dernier de TEuangile, fé-
lon Sainâlean^que les Apoftres ayant pafle
la nuit après vne pefche inutille , I^fus s'ap-
parut à eux & leur commanda , fans qu'its
le connufienr encore, de jctter leur filet dâs
la Mer, & ils virent que leur filé fe rompoic
pourl abondance du poiflbn 5 6c reconrra-
rentque c'eftoicle Seigneur qui venoit de
leur donner cctaduis, &c de faire ce miracle.
Lorsque nous fommes pefclieurs d'hom-
mes ,& que jeitans les rets de TEuangile,
nous voyons des âmes en foule s'y venir en-
lacer doucement & sy jetterauecjoye , di-
ibns hardiment,c'eft le Seigneur qui nous
a afliftcz de fa prefence, & qui a déployé /i
vertUj pour luy prefenter a mcfme temps
les hommages d'vne faindte reconnoifian-
ce, 3c pour nous efcricr auec Sain6tPaul,
Grâces à Dietfqtù/iousfait triompher crtChrjJl,
Les faneurs que nous reccuons de Dieu
font infinieSjfi nous les voulons côter^nous
i/en trouueronsiamais le nombre, elles cf-
D B L* E V A N G 1 L E» 45
piiifait & les exprcifions de nos langues, 6<:
Içsrcfleiuimens iiierme de nos cœurs , mai^;
encre les fauctirs celle de nous auoir faic
nairtreChrelHen^eft ineftinïable, & nous
i;eii deuons ecernellement bei>ir ; Et entre
ksChreftiens ceux qu ila honorez du mi-^
niftcrede fa parole, & delà dirpenfàcionde:
fe& iecrets luy ont encore vnc obligation
particulière. Les moindres charges font ho-
norables en la maifon des, Kçxs: Et qucj
dirons-nous de cette charge qui eft la plU:Ç*
honorable dans la. Maifon de Pieu j fi 1^;
gloire du Maiftre rejalit fur le fcriiiteur qu'il
cniploye < Ce grand-Diew de la part duquçL
k3*Miniftres, de l'Euangiie ripus viennent
annoncer la paix, ne les c<HUire-il pafs dçj
gloire? Et bien qu'on puifle dire en tout
temps aux Pafteurs , ce que Dauid difoic
W^Xeuitesau Pfeaume J34. O 'vous Scrui^
teHffs4f* Seigneur ^ui le feruez. en^fa fainéi^^
Màifin^loùex.-leé' célébrez fin nom, Neant-
tpoins ils en ont vn particulier/^jet, lors quç^
Dieu cpand^nt largement fa benediâioft
flir leurs labeurs, leur fait la grâce de tra^
uaillerheureufement, &^ueç fuccez a. U
cotQuerfion des' hommes, & à Tedificatioii
de TEglifc -, alors leurs âmes rauies doiuent
continuellement chanter les loiianges de
Dieu, &: dans la connoilTaBce de leurs def-
G 2
4^ LéTriomphi
fauts, & dans l'admiration du fecours du
Ciel ils doiucnt fe ioindre à noftre Apoftrc,
pour dire aucc luy. Grâces à Dieu qui nous
fiât triompher e» Chrîji,
Mais comme les abeilles après auoir volé
fur vne infinité de rieurs en rapportent dans
leur ruche, ce miel qui eft le fjuit de leurs
labeurs, & le fouftien de leur vie ; il faut de
melme qu'après auoir porté noftre médita-
tion fur les diuerfes matières qui nous font
prefentéesdans noftrc texte, nous en reti-^
rions maintenant le miel des confolations,^
& des inftruâiôs que rEfprit de Dieu nous
y fournit. Mes Frères, bié-aymez en Noftrc
Seigneur lefus-Chrift, Saind Paul & les au-
tres Apoftreis armez d'vrie vertu celcfte ont
combattu contre l'erreur, & contre le vice:
Ils ont vaincu le monde , ils ont triomphé
de Satan,iIsontrefpandu la bonne odeur
du Seigneur Iefus,& toute la terre a couru
après vn il agréable parfum. Si nous ne fom-
nies pas Apoftres de mefme qu'eux, nous
fommes comme eux Miniflres du Seigneur;
lefus, notjsauônice mefme nom auec eux.'
Mais helas ! d'vn employ fi grand & fi glo-
#ieux>d peine nous refte-il maintenant autre
chofe que le nom. Nous auons auec eux le
mefme minifterc de reconciliationimais he^
Jas î que les Mifliftres leur Çoni inefgaux , Se
D B L*E V A N G I L E. 4^
que radminiftraiioneft différente. i^^/^^«^^
notés^fidanslefiede futur nous jommes autant,
éloignez, des tbrofnes de leur gloire y comme défts
le fiedt frefent nous nous trouuons éloignez, dcÉ^
fâinÛes traces de Uur pieté. "'î
A qaoy pcnfez vous eftrc appeliez, ôMi*-^
niftres du Seigneur lefiis, vous cftes appeU
lez à la conqwefte de l'Vniucrs, vous eftcs
appeliez a de coiuinucls triomphes ; & il
vous eft bien plus glorieux d'apporter â
Chrift comme fcs Miniftres le çribut de plu*
fieuirs âmes conuertics par lapredicaiion de
l'Euangile, que de teceuoir comme Roy s 16
tribut des peuples. Penfez ferieuremcni à
rhonneur & à h dignité de ccttse chargc>
non pas pour en tirer de la vanité, mai»
pour ne rien faire qui foit mdigtic d'elles
Comme cette charge eft releuée, ia <:heute
de ceux qui s'en acq^uitent mal , eft d'autant
flusdangereufe, &ce n eft pas tanivn bon^
heur d'auoir occupé vnc placé fi emine^tei
comme c'cft vn mortel déplaifir d'eftre tom-*
bé défi haut. Permettez moy, mts tres-ho-
ftosez Frères, de porter la main fiir nos
play^s, encore que ic fois le plus petit dc
ttws Frères en la maifon de noftre PerCi
Neantmoins comni^ les Aftrologues di>
fent>qMel'Aftrequîfeftdans Tafccndant eft
fortifié delà venu des autres vAinfî i ordre
4^ L E T R I O M J> H B
que j ay rcceu de vous, & qui me fait parler
auec quelque authorité/orrifie ma foibiclle;
le vous prefte ma voix pour exprimer vos
fcmitnens&pour m appliquer à moy-mcf-
me les paroles d'vn grand Euefque de l'an-
tiquité : Itfmsvn ? cintre mal fait qui feints
vn beau vijage, ^ tout engagé que ie me jens-
dans Us flots ^ dans les ondes dufeché^ta-
drejfe les autres au fort de laperfe^ton.
Comment doncqucs triomphez vous en
Ghrift vous qui V0U5 laiflcz vaincre à vos
paifions. Comment manifeftés-vous l'odeur
de la connoiflTance de Dieu , vous qui pat
vos mauuais exemples refpandez la puan-
teur de voftre corruption? Comment eues
vous Minières de Chrift, vous qui eftesef-
clauesjOu de voftre ambition , ou de voftre
auaricc ? Et comment eftcs vous les Anges
de rEglifeyvous qui ne fçauez pas échapper
à la tyrannie des Démons? Nous iriomphôs
de l'ignorance , lors que nous enfeignons
clairement la vérité ; Nous triomphons de
la mifere^ lors que nous femons la confola^
tion &c U joye dans les efprits afflige^: Nous
triomphon$dupechc lorsque nous le ré-
primons par nos cenfuresrNQUS triomphô$
de la difcorde, lors que nous réconcilions
ceux qui eftoient ennemis. Voilà qu'elles
font nos vidoires, mais comment nous pré-
parons-nous g les remporter ?
DE l'Evangile. -^ 4f
Pour publier la vcritc aucc fruit : Nous
deuons confultec nuicl &c jour ioracie des
Elcritures faindes : Nous deuons employer
nos foins &: nos veilles pour digérer ces roy-
iteres dans le cabinet > auanc que les expli-
quer dans le Temple jNous deuons mener
nos troupeaux le long des eaux pures , les
abbruuer aux fontaines falutaires dlfraèl,
ôc les repaidre des plantes facrées de U
montagne de Sion ; nous deuons pour par-
ler plus clairement, leur propofer la feule
parole du Dieu viuanc, pour la règle de de
leurs mœurs & de leur foy ; Mais en confciê-
cernons acquittons-nous bien de ce deuoirî
Nous prefchonsla vecité , mais ordinaire-
ment nous la prefchons auec vncextrefmc
nonchalance. Combien y en a-il qui ne
prefchent que par manière d'acquit, & qui
penfent pluftoft à toute autre chofe qu a
compoièr leurs Sermons ? Dieu n'enuoyc
pas aujourd'huy miraculeufement fon Ef-
prit pour nous rendre doétes, il faut que nos
labeurs accôpagnez de fa benedidion nous
acquièrent du {^^noïx.Celuy qui amajfe durant
l'Ejié eji vn fils iintdltgemt , mats celuy qui
stndortfuY la motffonfatt honte k fon fer c. Les
Rabbins difcnt qu'il y a trois ioitcs>de per-
fonnes contre qui Dieu fait a la Ai >^clatter
fon indignation. Celuy qui ie i4W ûant de
fO L:K T R IvQ ;M.P n::E.
nuicSjncmcdJte point la loy du Seigneur.
Celuy qui médite cette loy , mais qui ne
robrcruepoint>Ec enfinceluyqui l'obferuc
pour fa propre.gloite , 6<: non pas pour la
gloire de Dieu ;Ets'ilsledifent en gênerai
de tous ceux qui font dans l'alliance de
Dieu, ne le faut>]l pas dire en plus forts ter-
iï>esdesPafteurs?La colère de Dieu ccla-
lerafans douce contre ceux qui ne méditée
pointfaloy^quinerobferuentpas, s'ils la
méditent, ou qui robferuent exterieuremêt
par vn de/ir de vaine gloire, pluftoft que par
vn véritable fenciment de pieté.
Nonchalans & parcfleux, ne vous imagi-
nez pas que, commeOauid autrefois. Dieu
partage vn iour les dépouilles entre ceux
qui combattent, &ceux qui gardent le ba-
gage, il maudit ceux qui font lafchemcnt
fon œuure. Le parent dTJimelech , dans
i'Hiftoire de Ruth, vouloit bien les champs
defa pofleffion,maisil ne vouloit pas cf-
pouferla veuve de fon fils , vous voudriez
bienauffipofTederrhonneurdc cette char-
ge, & reccuoir vn iour les couronnes que
Dieu promet à la fidélité de fcs fciuiicurs,
mais vous ne voulez pas fubirlestrauaux
qui accompagnent vn cmploy fi difficile ,&
nevow f)uucnez-pas dece qui cft dit au
liureé,^^>b chapitre 5. £1^ l'homme eji nay
DE l Ey A N G I L E. Çt
fonr le trauaU, comme l'oyfeafi four voler.
Mais il ne (uffic pas d'enfcigncrlcs Fidèles
dans le Temple, li faut encore les confoler,
dans leurs lits ^ dans leurs priions. Corne
Dieu faitfon fejour auprès des coeurs de-
foJeZj les fcruiceurs de Dieu s'y doiucnj
trouueraueclcurMaillre. Ec comme en céc
€tat l'homme a vn plus grand befoin de fe-
courSjleParteurdoic Iciuy dônerauecplus
de zèle. Elizée fe raccourcie pour accom-
moder Tes bras & Tes pieds, aux bras & aux
pieds de l'enfant de la Sunamite .* il faut que
le Pafleur pour donner la vie a 1 affligé, s'ac-
commode à fès foibIefres,& prenne part
a fes maux -, nous deuons quitter les maifôs
ouTonfe plonge dans la joye pour entrer
dans les maifons de duéil ; les chambres des
malades doiuent eftre noftre demeure ordi-
naire.Les prifons ne nous doiuêt point don-
ner d'horreur^quand il y faut aller vifitc?vn
Fidèle dans les chefnes. Et comme Moife
en jettantdu bois dans les eaux de Mara les
rendit douces,nous deuons,auec les paroles
de rEfprit de Dieujadoucir Tamertume des
cœurs defoiez. Mais encore en cecy il faut
que nous pafTions condamnation en la prc-
fence de ce grand Dieu qui eft tefmoin de
nos œuures 6l de nos penlées. Combien de
fois preferons-nous ou nos diuertifTcmens
H
52 L E T R I O M p H E
OU nos affaires à vn fi necelTairc deuoir. Et
combien de fois bien loin d'aller vifiier de
noflremouucmêt ceux que nous connoiffôs
eftre dans rangoifre3 rrouuons-nous inv
portuns ceux qui nous appellent pour la
confolation des malades^ Ôc des mourants ?
Vne jufte & charitable cenfure n'eft pas
moins neceiTaire au pécheur que la confo-
lation auxaffiigez.il fauifdefcouvrir a IVn
l'horreur de Ton crime & de fa perte, comme
il faut fouftenir l'autre par l'efperance du
pardon, &: de la gloire. On n'oliit point
autresfois de coup de marteau au baftiment
du Temple de Salomon,c'eftoit vne figure
du repos du Temple celefte, mais il n'en eft
pasainfi de ce tabernacle de Dieu auecles
hommes que nous efleuonsicy-bas, encore
que nous faffions oiiir les coups de marteau,
nous ne laifions pas de baftir lamaifon de
Dieu, i-z/i de l homme, t{\,.i\ dit au chap. m.
d'Ezechiel, le t'ây ejfab/y four guette à la main
d Ifraely tt$ ejconteras les paroles de ma bouche ,
c!r les ref rendras de far moy^ quand te dtray au
mefchant, tu niotirras de 7nort^ ér que tu ne l'au-
ras f oint aduerty four le dejlourner de fa mef-
chante voye afin quil viue^ ce mefihant mourra
cnfon iniquité^ é'ie redemanderay fon fang de
ta main. Mais continuons àreconnoiflrcicy
nos deffauts^ afin que les connoi/Tanc nous
DE L* E Y A N G I L F. J"^
ks corrigions , & que les corrigeant nous
puilfionsferuir sivçc plus d'vtilicc au falut
des âmes , & a 1 auancemenc du règne de
Chrift. N'ell-il pas vrayque nous méfions
trop fouuenc quelque pallion dans la dif-
pen/àrion descenfures? nous flatterons nos
amis dans leurs fautes. Se ferons paflcr pour
des crimes les avions prefque indifférentes
de ceux que nous n'aymonspas^c'efta dirô,
nous employerons la cenfure comme vne
peine, & non pas comme vn remède, pour
fàtisfaire noftre vengeance, & non pas pour
ramener le pécheur. Nous cenfurerons en-
core les petits, nous e/pargnerons les grâds,
& au lieu de leur parler genercufemenc
comme Moïfe à Pliarao, comme Nathan à
Dauid, Eiie à Achabj Saind: lean Baptifte a
Herode, Saind: Ambroifeau grand Theo-
dofe, Maris c'eft ancien Euelque de Chal-
ccdoine à luHen TApodat. Au contraire,
par vne lafchecomplaifance nous mettons
leurs moindres vertus au nombre des héroï-
ques, Ôc fermant les yeux à leurs aâions
vitieufes, nous ferons leur éloge lors qu'il
faudroittreuaillerà leur correâion , & les
ioiierôs lors que nous les deurions reprcdre.
Enfin comme les Miniftres de l'Euangile
font des MefTagers de Paix ,ils doiuent tra-
uaillcr non feulement à reconcilier les horn-
H z
J4 Le T R 10 M p HE
mesauec Dieu, mais a reconcilier encore
les hommes encr'eux^Iors qu'ils font diuifez
par des procezou par des querelles. Ceux
quin'efcôutencpas TEglife^quand elle leur
parle, doiuêt eftrc reputez comme des pea-
gers, ôc comme des infidelles ; Mais il faut
donc que l'Eglife parle afin qu'elle foit ef-
coutée -, Il faut que les Miniftres s'employêc
auecfoin à ces reconciliations, afin qu'en
toutes chofes, ils fe tefmoignent eftre les
Ambaffadeurs de celuy qui s appelle le Prin-
ce de Paix. Qn'il eft donc bien important
aux PafteurSjde ne fe rendre point partiaux,
&c de ne fomenter iamais lesdiuifions dans
leurs troupeaux. leremie difoit au chapitre
15. defes reuelations. Bêlas \ ma mtre vous
ffiauez, engendré comme ^vn homme de dehat,
(^ comme vn homme de difcorde fur toute la
ierre^ pource qu il reprenoit les niefchants,
lesmefchants fe declaroient ks ennemis.
Soyons en ce fens-là, des hommes de dé-
bat, & des hommes de difcorde, ne faifons
jamais la paix auec le péché, ne traittons
jamais alliance auec le vice , mais foyons
d'ailleurs des hommes de paix, & des hom-
mes de côcorde au milieu de nos troupeaux,
NoflrePafque àf^auoirChrifta'cfté facrifié
pour nous, vifitons tous les endroits de la
Maifon de Dieu pour voir s'il y rcfte quel-
DE l' E V A .V G I L E. '51
que leuainjafin que nous cclcbrios la fcftc,
non pasauecvnicuain d'aigreur & de mau-
uaidié > mais auec vn pain fansleuain de
fimplicité ÔL de vérité.
Maisquand vn Pafteur prefcheroit auec
fuccezla parole duSeigneur.Quandil con-
foleroit les affligez auec charité : Quand il
cenfureroic les pelc^îeurs auec zèle • Ec
quand il appaiferoic les querelles auec pru-
dence, il Te feroit bien acquité du dcuoic
d'yn Pafteur, mais il luy refteroit encore à
agir en fâ conduite comme Fidellc, & a pra-
tiquer en fa vie , ce qu'il enfeigne dans (es
prédications. Grégoire premier difoit , ^ue
comme le Coq bat desaijlesyfe ftque^ s'efueille
fiymefme j aua»t qu'il réuetlle les autres par
fon chant ^ il faut aufsi que nous nous excitions
nousmefme à bien faire ^ auant que nous y excU
tions les autre s, Il (siut que nous maichions
les premiers dans la voye de la pieté auant
<jue nous exhortions les autres a nous fui-
iire. Il faut que nous puiifions dire auec S.
Paul, Soyez mes imitateurs comme aufsmoHS le
fommesde C/4ri/?. Autrement eu fauuant les
autres, nous nous perdrions nous mefmej
nousfcmcrjs du froment^ ^r neus moijfonnerions
^eii[y^/A?^/, nouscnfcignerionsla vérité par
nos difcours, & nous renoncerions au falut
par noftrc raauuaifc vie. L'Awftruchc cft
fS Le Triomphe
proprement en cccy rembleme du mauuais
Pafteur^ellea le plumage beau, mais il ne
luy fert que d ornement ^elle n'en f^auroit
voler. L'éloquence, le fçauoir & la diligen-
ce d vnPafteurqui n'a point de pieté, ces
chofeSj dis-je,font fa réputation , non pas
fon falut, & paré de ces ornemens , il ne
fçauroits'enuolerducofté du Ciel. Arifto-
giton fuft ridicule, lors qu'après auoir parlé
auecardeur , pour obliger les Athéniens à
prendre les armes, il feignit qu*il cftoit ma-
lade afin que Phocion ne Tenrolaft pas.
Quoy, vous appellei les autres au combat
contre le péché, & lafches que vous eftes,
vous ne lofez vous mefme combattre -, Que
fert-il que vous prépariez dans vos Sermons
desahmentsfalutaires à vos teoopcaux, fi
après cela par vos mauuais exemples vous
y meflez du poifon.Il faut que les Pafteurs
foient femblables aux eftoillesqui luifent à
la terre, & demeurent attachées au Ciel, il
faut qu*ils efclairent les hommes par leur
prédication, & quil paroiflc en Icurcon-
duitte,quedudefir& de la penfée ils font
toufiours vnis à Dieu.
Icfçay bien que comme les Pyrates atta-
quent les vaiffeaux qu'ils croyent chargez
de plus de richeffes, auflî Satan combat
auec plus d'artifice ceux qui ont rcceu de
DE T* E V A NG l L E. 57
Dieu plus de lumières, & qui ont efté ap-
peliez a vaemploy plus releué.Ie f^ay bic
qu'il a demandé de cribler les Pafteurs aulfi
bien qu'autrefois Saind Pierre , qu'ils leur
tend des pièges de toutes parts : Que tantoft
par quelque vaine fumée de gloire, tantoft
par i efclat des richefles il taiche de feduire
leurs cœurs, & d'y enfanter ou l'ambition,
oul'auarice. le f^ay bien que ce font ces
deuxpafiions violentes qui ont corrompu
le.Clergé Romain î Ces Prélats fuperbes
ayant changé leur houlette en vn fceptrCjÔc
leur miniftere en tyrannie. Mais le péril
vous doit rendre fages, & non pas abbatre
vos cœurs: &:fi voftre aduerfalre eft toiir
joursautour de vous cherchant à vous de-*
uorer, vous en deuez deuenir plus fobres Se
plus vigilants.
O Fidelles Miniftres du Seigneur lefus,
prenez garde à vos âmes. Que la vanité &
l'ambition en (oient toujours éloignées.
Sounencz- vous que vous eftcs Miniftres de
ce Chrift qui eftant en forme de Dieu ^'ayac
fowt réputé rapine d'être égal à Dieu^ a vonUà
prtndreU forme de Sernitear, Et vous qui
eftcs Seruiteurs pretendriez-vous monter
fur le ihrône de vôtre Maiftre. Mais quoy, fi
Dieu vous a comblez de fes dons , n'eft-cc
pas afin que vous luy en rapportiez toute
j8 LE Triomphe
la gloire? &plus vous en auez rcecu &
pluj vous luy cftes rçdcuabtes. Le vieux
Hillel ditbic que celuy qui veut étendre fa
gloire la perdra. Et quoy qu'il en foir^le Mi-
mftre ambitieux fait comme les vers à foyc
de qui tout le trauail abboutic à fe faire vn
riche tombeau, il amalTe quelque vain re-
pom, ik fe procure la mort ; il s'expofe à
la fcuerité du jugement de Dieu pour ga-
gnei l'eilimc des hommes. EtiJ artiue lou-
uent que mefme dés cette vie Dieu luy oftc
fes richeflesj pource qu'il les monftre com-
me le Roy Ezechias auec oftentation.// ff'ejl
fasbondefefaotiler demiel^àiÇahlc Sage au
2y- des Prouerbcs cette vaine gloire eft du
miel à noftre Palaisj mais elle le change ct>
amtrrume. Les rayons du Soleil encore
qu ils ibmondrent admirables à nos yeux,
uefclairent pas pourtant afin d'eftre ytixs^
eux mefmes, mais pour nous faire voir le
reile des choses, tt les Pafteurs qui font
comme les rayons que femc de toutcs^parts
rOrientd'enhâut, le Soleil de luftice , ne
doiuent pas luire pour cux-mefme, mais
pouramencrleshommes à Chrift : ils nç
doiuentpas chercher leur gloire, mais celle
deJeurMaittre, ny fe prclcher eux-mefrae,
maisprefcher Chriil:.
Mais fur coûtes chofes que rauaricenc
tente
DE l' E V A N G I L E. 5^
tente iamais vos cœurs. Pour monter au
CieljElielaiila toutes choies lulques à ia
manteliue.Nûusnel^aurions voler vers lé
Paradis auec ces aiflcs d'or dunt parle vrt
Poète Grec,ùi(ant de la matière la plus pe-»
fente, ce qui doit e(he le plus léger. Cèdre*
nus rapporte que cette belle perle donc va
Roy de Perfe tairoicfon plus précieux tre»
for^auoit vn chien matin pour la garde , fî
bien que celuy qui enteprift de la pe/eher
n*eullquele temps de meure le bras hors de
l'eau, pour la bailler a fes compagnons , Se
ce chien le deuora fur l'heure. Les richefles
ont vn Démon à leur fuitte, ccdk qui Te
Client pour lesacquerir, à peine lespofle-
dent ils vnmoment,a peine ont-ils le loifir
d'en difpoferenfaueur de leurs héritiers 5 &
voila ce Démon les entraifnedans lesabyf-
nieS;,& fe repaift de leurs tourmens. Vous
qui parlez ordinairement des richefles du
Paradis, comment ne eonceuez-vous pas
vn jufte defdain pour celles de la terre.
Qu'elle paroilt fombre^cette terre a des yeux
qui ont defcouuert les clartez du Ciel i
qu'vn peu de poudre fe peat malaifemcnc
comparerai excellence de cette gloire ! 6c
qu'on eftpeu amoureux de nos plaines, &
de nosm )ntagiies,quand onelpere l'cften-
due du Hrnunicnc pour [on partage.
I
^O L E T R I 0 M P H i
Si vous cftes donc combourgeois dc^
Salnds Ôc domeftiqucs de Dieu, que vos
meurs foienc faintes, de que voftre couucr-
fation foit toute celefte j fi vous eftcs re-
fufcitez auec Chrift, cherchez les chofes
qui font d'enhaut.Puifque vous aués vn em-
ployqui feroit glorieux, me fme à vn Ange,
il faut que vous meniez vne vie toute an-
gelique-lair & la teinture de la pieté doiuet
parojftre en toutes vos adions , & tous vos
difcours doiuent eftre confits en fcl auec
grâce. Ge n'cft pasièulement fur la chaire,
& dans le Temple que vous deuez agir en
Minières de Chrift. Par tout vous deuez
vous confiderer comme les vainqueurs du
Monde, les conquérants des âmes, & les
niomphateurs de Terreur & du peché.Cettc.
penfée nous doit rendre graues& non pas-
fuperbes: ferieux, non pas arrogans. Va
JVliniltre du Seigneur lefus doit meflervnc
fainâe granité auec vne agréable douceur^
ilnedojtny affeder vne aufterité barbare,
nydefcendreàdes railleries baffes & pro-
phanes : il doit eflre feuere fans eftre farou-
che; il doit eftre agréable fans eflre bouffon:
il doit conferuer quelque chofe de ferieux
lors mefmcqu'ils affranchit d'auantage, &
il doitauoir quelque chofe de doux , lors
mcfme qu'il agit auec plus de feuerité. Ses
DE L* E V A N G X L E. 6l
diïcours ordinaires doiuent apporter du
fruiâ 5 lors qu'il femble s'clloigner le
plus du ftylc de ceux qui cnfeignenc. Il faut
qu'il melle de fecrettes levons dans fcs dif.
cours, qui s'infinuenc d'autant plus facile-
ment, qu elles portent moins le vilage d'en-
feignemens & de le<îons.
Vn diuertiflement honnefte, peut feruir
à la fanté de fon corps & à la bonne difpo-
fition même de fon Efprit, mais il oie doic
pas s'y abandonner, puis que tous les mo-
ments de fa vie luy lont précieux. Le So-
leil court toujours fans fe repofer, le Pa-
fleur ne peut pas agir ainfi fansrelafchc:
Mais comme le Soleil en fes diuers moui
uements ne va iamaisaudelà de fes tropi-
ques, & ne s'efloigne iamais de la ligne de
l'Equinoxe qued'vne diftance réglée, ainfi
le Parteur doit faire eftat que les occupa-
tions de fa charge^la predicatio de la parole^
la confolation des affligez, Tadminidration
des Sacrements , & la pratique de la dit
cipiinc, font comme la ligne de laquelle il
ne fc doit guère efloigner ; &: la gloire de
Dieu & l'édification du prochain font tou-
jours comme les tropiques & les bornes, au
delà defquellesilneloy eft pas permis de
s'eftendrc & de s'efgarer.
Voila, Mes Frères, au moins fi ie le con-
la
6z LeTriomphi
çois bien, qu'elles doiuent eftre nosdifpôfi-
tjons 5 11 nous voulons triompher auec les
i\portres en Nollre Seigneur lefus-Chrift :
mais pour eftre dlfpofé de cette forte, il faut
implorer laffiftance de Dieu, & attendre
toutes chofes de celuy pour lequel nous
combattons : C'eftluy qui nous peut ren-
dre puiflans aux Efcritures corne Apollos,
qui nous peut donner vne voix de tonnerre
comme aux Enfans de Zebedée, qui nous
met en main le baume de Galaad , pour ap-
pliquer aux bleffures des affligez, qui accô-
pagnant fà parole en noftre bouche de l'effi-
fcace de fonEfprit, nous fait eftre des inftru-
mens de concorde, C'eft luy de qui la force
pousfuflfît, & de qui la vertu fe parfait en
poftreinfirmitéi C'eft luy qui nous fait vain-
cre & qui nous fait triompher. Que noftre
amedouc le beniflc comme TAutheur de
toute bonne donation^ & que tout ce qui cft:
au dedans de nouS;, loùç le nom de fa fain-
cleté.Et ïil ejîpour nous^ qui fer a ce titre nous :
que le Ciel tonne, que la Mer efcume, que
la terre tremble, que les tyrans menacent,
que les bourreaux s'appreftcnt, que les
feux s'allgroent, que les roïies fe dreffent,
que la mort auec fbn plus terrible appareil
fe prefenteà pouç^au nom du Seigneur le-
fus^çpus npseorjemis fei:ont vaincus, au
D B L* E V A N G I L E. 6j
nom du Seigneur lefus ils feront eftçint^
comnïe vn feu d'eftoupe. Courage donc,
Mes FrereSj Mes tres-chcrs ticrts , fous I4
proteâion d'vn fi grand Mailhe. Vous ne
deuez rien craindre , allez trauaillcr a^cç
vn nouueau zèle en la vigne du Seigneur^
paiflez fou troupeau, édifiez fa maifon*
Combattez pour fa querelle : Recherche 4
la brebis perdue -, Ramenez celle quielt te-?
;ettée, & fortifiez celle qui eftoit malade.
Parlez lesparoles de Dieu: cafchez de plaire
au Seigneur, non pas d'agréer aux honrmcs^*
Cherchez lefalutdes fidèles, &c non pai
voftre vtihté : Veillez pour les âmes de
ceux qui font commis a voftre conduite,
comme ayans a en rendre conte : Prefçhtz
l'Euangile : Publiez l'an de la bien* veilUn-
ce de TEternel : Annoncez les chofes mar
gnifiquesde Dieu , Prelentez aux Hdeles
lesricheffesimmenfes delà charité du Père,
&le prixinfiny desfouffraucesde Ton Fils.
Preffez, arguez , cenfurez , exhotcez auec
dodrine^auec modeftte , en temps ôc hors
temps. Auec le marteau de la parole brifez
la dureté des coeurs. Auec rcfpée de TEf-
pnt coupez la gorge à Terreur, & aucC le
boucher de la foy cfteignez les traits en-
flammez de refpru malin. iMais de peur
qu ayant prcfchc aux autres, tous ne foytz
^4 LbTriomphe
trouuez vous mefmc non reccuabics, foyez
comme des flambeaux au monde portant au
dcuant de vous la parole de vie , dites à la
vérité, tu es mafœttr, Se que la pieté foie vo-
ftrc fidèle compagne, & la vérité vous fer-
uira de bouclier, vous n aurez point de peur
de ce qui e/pouuante de nui(ft, ny de la flet
che qui vole de jour ^ ny de la mortalité qui
chemine en ténèbres, ny de la deftrudion
qui degafte en plein midy. Âe^dez^^vous re*
commandahles en toutes chofes^ comme ejiant
Mimfires de Dieu^en grande patience ^ en affii^
If ions j en necepitez^ en angoijfes , en battmes^
en prifons^en troubles^ en trauaUx^en veilles^ en
iujlice^ en pureté. Par connoijfance^ far vn efprit
patient^ far bénigne ê^ par le Sainà Ejprit , par
charité non feinte, par laparole de vérité, par
lapuijfancede Dieu, par armes deiufiice adroit
te & à gauche , parmj honneur à* ignominie^
parmy diffame & bonne renommée^ comme fe du-
Beurs^ è* tout esfois véritables : comme incon-
nus toutesfois reconnus comme mourans^ é* '^oi*
cy nousviuons, comme chajliez, ^ é* toutesfois
ftonmisàmort , comme contnjlez 0* toutesfois
toujiours ioyeux^comme pauures & touesfois en^
richiffantplufieurs^ comme n*ay ans rien & tou^
tesfcisp^edans toutes chofes. Q Mes Frères,
mes tres^aore^ Jreres', ^Jf^^, Couche ejl
9uuerte^é' nope l;^eft eprgjfpl^ufsi mon
■c?*
^.'"''
D I L*E V A N Gl 1 É. €$
VieufuffUer^ tout a dont njous âuac phil,
tefâwjelû^jis rkhejfis , auec gloire en ^'^^*
JefuS'ChriJi.
Et vous, ôFidellcs! N'eftcs vous
paslaifisdVne fainâc joyc, voyant
au milieu de vous tant de Minières
deTEuangile^tant de Seruitcurs de
lefus-Chrift qui y font affcmblez
pour le commun bien des Eglifes de
cette Prouincc ? Et fi autresfois les
peuples auoient accouftumé de dire
à l'entrée des Empereurs Romains :
fuifiions-mus voirjouuent de telles iour^
nées. Ne deuez-vous pas à cette heu-
re faire de femblables fouhaits, &
pouffer des vœux au Ciel à ce que
youspuiffiez voir fouuent des jour-
nées aufli heureufes.N'eûes-vous pas
noftreconqueftc au Seigneur ? N'c-
ftes-vous pas noftre joye, & noftre
couronne ? N*eftes-vous pas du nom-
bre de ceux à qui TEuangile que nous
annonçons eft odeur de vie à vie
pour eftre {z\xwzz'> Rendez, donc grâces
au F ère qui vous a rendus capables de
farticifer à l'héritage des Saints en U
lumière-
Maisfouucncz-vous que pour par-
ticiper à l'héritage des Sain(il$,ii faut
(6 L« T R r O M P H E
iTiCncrla vicdes Sainûs, ilfaut dc/pouille^
le vieil homme 5 &: élire reueftus du nou-^
ueaiî. Foicy les chofes vieilles font fAJfces^ toutes
chojes font faites nouuelles , fi quelquvn eji en
Chnfi^qti'd foit nouuelU créature. Vous eftcs
les bien-heureux captifs du Seigneur lefus,
par le miniftere de fes /eruiteurs il a triom-
phé de vous, pourquoy donc coniinucriez-
vousà luycltredeibbeyflans?5c pourquoy
ne luy feriez-vous pas vn f enfle de franc
i/(7;</(?/r?Siquelquesfoisil fe rencontre dans
TEglifc des pafteurs de qui la vie ne foit
pas aflcz bonne 5 ny les inclinations aiTez
pures 5'louuenez-vous de ce que Noftrc
Sauueur Ci\{o\t des Doâeurs des luifs ^ qu il
falloir faire ce qu'ils cnfeignoient en la
Chaire de Aloïfcjmais qu'il né falloft pas
faire félon leurs œuures. Comme nous né
nous deuons pas pre/cher nous mcfme,
mais prefcher Chrift ; Aulfine deuons-nouî
pas nous propofer nous-mefmepour lemo-'
dele de vos adions ; mais nous vous propo-
fons le Seigneur lefus luy-mefmc qui efï
rinnocent&le juftc-, C'cft celuy dTùquel
vousdeuez imiter la pieté, ^ contemplant
fa gloire dans l'EuangiIccomme- dans vit
miroir, vous deuez eitre transfermez en 1^
mefme image dé gloire en" gloire comme
par rEfprit du Seigneur. L*ei^enence vous
pourra^
DE L* E V A N O I L il éj
poHrra cependant faire connoidre la vérité
decequcdiloit vn Ancien , que c'cft vnc
marque d'vne amc peu religieufc d'cplucher
trop curieufement la vie de fon Pafteurpour
auoirians doute vn prétexte à les desbau*
chcs.
Venez donc 5 Mes Frères, & vous que
Dieu a honorez delà charge du Saint Mi-
nidere, &: vous qui compofez le facré trou-
peau du Seigneur, venez & paflpns tous
enfemble condamnation deuant Dieu, de
ne 1 auoir pas feruy auec affez de fidélité, de
ne 1 auoir pas aymé auec aifez d'ardeur. Se
de ne nous eflre pas enfin acquitez de
ngftre deuoir aflez religieufenient ; entrôs
â l'aduenir en vne iàinte émulation , les
troupeaux auec leurs Pafteurs, les Pafteurs
auec leufs troupeaux, à qui s'employera à
l'œuvre du Seigneur auec plus de zelc, ou
les Fadeurs à indruire, ou les troupeaux à
3pprendrc,ou les Padeurs a confoler^ou les
troupeaux à foudenir les affligions auec
patience en profitant de leurs confolatiôs ^
ou enfin les Padeurs à cenfurer ceux qui
peche?it, ou les troupeaux i fe corriger a
l'oiiye de leurs cenfures. Nous nous humi-
lions tous dcuanttoy,Seigneurnodre Dieu
aye pitic de nous^aye pitié de nous fanâific
K
éZ L E T R I O M P 11 1
nousparta vcritCjta parole cft vcritc. Con-
duynous par ton Efprit dâs la voyc de
jufticc, &fay qu'vn iour lors que nousap-
paroiftrons deuant le Seigneur lefus qui eft
le luge des viuancs & des mores, nous puif-
fîonsen teprefcntant nos troupeaux dire.
Nous voky nous (jr Us cnfas que tu mus as don-
nés Et qu'à mefme têps nous puifliôs enten-
dre de ta bouche, cette douce, cette fauo-
rable refponfe. Venez bons feruitcuts &
loyaux^entrez en la joye de voftre Seigneur.
A Dieu feul fage,Pcrc,Fils & Sàinâ Erprir,
foit honneur & gloire, empire & magni-
lîceacc es fieclcs.
AMEN,
■5.
I